Le président états-unien, Donald Trump, est pris dans une tempête politique depuis qu’il a limogé le directeur du la police fédérale, James Comey, mardi 9 mai. Pourquoi avoir pris une telle décision maintenant, dans quel but ? Depuis cette annonce la presse anglo-saxonne n’a de cesse de la décortiquer, de chercher à lui donner du sens, d’envisager, aussi, les conséquences qu’elle pourrait avoir. Avec, parfois, des mots très durs.

Si M. Trump a assuré qu’il ne fallait voir aucun lien entre l’éviction du patron du FBI et l’enquête que la police fédérale mène depuis l’été sur les soupçons d’ingérence de Moscou dans l’élection présidentielle de 2016 et sur les liens présumés entre plusieurs de ses conseillers et le Kremlin, cette affirmation a un peu de mal à passer. Et c’est peu dire. Les démocrates assurent que M. Trump cherche à étouffer un scandale qui pourrait entraîner sa chute.

« Quelques jours avant qu’il soit limogé, James Comey a demandé au ministère de la justice [dont dépend le FBI] plus de procureurs et d’autres ressources humaines pour accélérer l’enquête sur l’interférence de la Russie dans l’élection présidentielle », affirme, pour sa part, The New York Times.

La chaîne de télévision CNN assure, quant à elle, que M. Comey a été limogé car il n’avait pas fourni des garanties de loyauté au président des Etats-Unis et parce qu’il avait accéléré l’enquête sur les liens présumés de l’équipe Trump avec la Russie.

Dans une lettre ouverte adressée au procureur général des Etats-Unis, Rod Rosenstein, la direction de la rédaction du New York Times a demandé, jeudi, à M. Trump « de dissiper le sombre nuage de suspicion qui entoure la présidence américaine [et] « de restaurer la confiance des Américains dans leur gouvernement ».

Dans une tribune du NYT, la professeuse d’histoire politique à Yale Beverly Gage estime que la décision du président Trump « reflétait ses instincts les plus autocratiques, révélant le peu d’estime qu’il porte à l’indépendance des enquêteurs fédéraux aussi bien qu’à la recherche de la vérité ».

Elle met en garde M. Trump, jugeant qu’« au lieu de penser qu’il a envoyé un avertissement sans frais aux lanceurs d’alerte et aux membres de l’administration qui ne veulent pas se plier à la ligne de son administration », il avait plutôt actionné les manettes d’« une rébellion interne », faisant le parallèle avec l’affaire du Watergate qui avait abouti en 1974 à la démission de Richard Nixon, alors à la tête des Etats-Unis.

« Désastre politique ». Pour le quotidien britannique The Independent l’éviction de M. Comey survient « au plus mauvais moment » : « Trump braque le projecteur sur l’enquête concernant l’ingérence russe au moment même où les premiers doutes sur son administration commençaient à se dissiper, notamment avec le vote par la Chambre des représentants d’un texte abrogeant l’Obamacare. Et ce, juste avant la venue du ministre des affaires étrangères russes, SergueÏ Lavrov », relève le quotidien.

Cette idée que M. Trump vient ainsi, de lui-même, de mettre à mal une « normalisation », qui, « passé les cent dix premiers jours au pouvoir », « paraissait possible », est aussi avancée par le quotidien britannique The Guardian. « Il est difficile de maintenir un état de colère permanent, aussi les Américains et autres observateurs à travers le monde prenaient le risque d’être blasés face à une présidence qui demeure, en réalité, profondément anormale. Lorsqu’un événement survient, si important et si choquant, qu’il vous tire de votre sommeil. Le limogeage du directeur du FBI est, pour le moment du moins, l’un de ces événements », écrit le journaliste du Guardian, Jonathan Freedland.

« Pourquoi ? » cette décision maintenant, interroge The Independent, « si ce n’est que la panique gagnait, alors que Comey et son équipe d’enquêteurs étaient près de découvrir le pot aux roses ». Le quotidien préfère cependant ne voir dans la décision de Trump qu’« une étonnante incompétence et pure méchanceté » de la part du président des Etats-Unis.

Pour le tabloïd britannique The Daily Express, les chances de voir s’ouvrir une procédure d’impeachment (« mise en accusation ») ont augmenté avec l’éviction de Comey. Selon des experts en droit constitutionnel, « Trump pourrait comprendre, à l’instar de Nixon, qu’il n’est pas si simple d’échapper à la justice », rapporte le site Think Progress. « La décision du président états-unien pourrait constituer un abus de pouvoir ouvrant la voie à une procédure d’“impeachment”. »

Selon un sondage récent de l’université Quinnipiac, la cote de popularité de Donald Trump atteint son plus bas niveau depuis son élection en novembre, avec 36 % de satisfaits.