La presse étrangère saisie par la « macronmania »
La presse étrangère saisie par la « macronmania »
Editorial. L’enthousiasme sans réserves pour l’élection du nouveau président français des médias du monde entier révèle l’espoir d’un renouveau européen.
Le nouveau président de la république, Emmanuel Macron, est reçu à la Mairie de Paris par la maire Anne Hidalgo, dimanche 14 mai. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE
Editorial du « Monde ». La presse étrangère a moins de réserve que les médias français. Elle s’enthousiasme à plein vent pour le jeune homme qui a pris ses fonctions, dimanche 14 mai, à l’Elysée. Cela n’était pas arrivé depuis très longtemps. D’un point à l’autre du globe, le président Emmanuel Macron fait la « une » des journaux et des actualités télévisées. C’est bon pour l’ego des Français et l’image de la France à l’étranger. Cela cache peut-être quelque chose de plus profond, surtout en Europe.
Bien sûr, on n’échappe à aucun poncif et on doit subir une bordée de clichés très largement dépourvus de sens – cela va du Obama français au Justin Trudeau des bords de Seine, sans compter la résurrection de John Fitzgerald Kennedy. Mais cette « macronmania » n’est pas seulement liée à la jeunesse (39 ans) du chef de l’Etat français. Elle ne tient pas non plus à l’étonnante séquence politique que M. Macron a su magistralement exploiter ces derniers mois : l’effondrement des candidats des deux grands partis de gouvernement ; le refus de François Hollande de se représenter ; la création d’un parti ex nihilo ou presque (La République en marche !).
Sur la scène internationale, M. Macron est sans doute le symbole d’une classe politique française en phase de renouveau. Il incarne un changement de génération. Tout cela est vrai et bien sympathique. Merci, confrères de l’étranger ! Mais le président Macron est d’abord le symbole du coup d’arrêt donné, au moins momentanément, à une vague nationaliste, passablement xénophobe et inquiétante, qui paraissait devoir submerger nombre de démocraties occidentales. Avec les élections en Autriche et aux Pays-Bas, cette année, la victoire de M. Macron est saluée comme une sorte de réponse à deux des événements qui ont marqué 2016 : le Brexit et l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Moqueries et mépris russes
Très logiquement, les médias russes, souvent sous la coupe du pouvoir, font exception dans ce concert de louanges. Ils affichent moqueries, mépris et propos déplaisants à l’adresse du chef de l’Etat français. Le président Vladimir Poutine comptait sur une victoire de la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen, pour démanteler l’Union européenne (UE), affaiblir l’OTAN et mener une politique étrangère plus conforme aux intérêts de Moscou.
C’est justement sur cette scène européenne que le président Macron peut jouer un rôle important. Il est le premier dirigeant français depuis François Mitterrand (1981-1995) à s’être fait élire en affichant haut et fort ses convictions européennes. Il compte sur ses réformes intérieures pour rééquilibrer la relation franco-allemande : il devait le dire dès ce lundi, à Berlin, à la chancelière Angela Merkel. Il table sur un nouveau rapport de force entre Paris et Berlin pour changer l’UE : moins de laisser-aller face à la concurrence des autres grands blocs économiques ; plus de coopération en matière de sécurité ; moins de débats institutionnels au sein de la zone euro et plus de coordination.
De même qu’il n’ignore pas qu’une bonne moitié de la France a voté pour l’extrême droite et la gauche de la gauche, il sait la crise de confiance qui s’est installée entre les peuples et l’UE. Il semble aborder cet immense défi avec un mélange bienvenu de détermination et d’humilité. M. Macron est trop intelligent pour se payer de mots et d’images. Son portrait à la « une » du Time, de The Economist ou du Spiegel, c’est avant tout l’espoir d’un renouveau européen.