Edouard Philippe, un choix « ni de gauche ni de gauche »
Edouard Philippe, un choix « ni de gauche ni de gauche »
Par Raphaëlle Besse Desmoulières
A gauche, la nomination du premier ministre Edouard Philippe suscite davantage de réactions hostiles que d’enthousiasme.
Qui est Edouard Philippe, le nouveau Premier ministre ?
Durée : 02:37
Jean-Luc Mélenchon n’a pas traîné. A peine le nouveau premier ministre, Edouard Philippe, était-il nommé, lundi 15 mai, que le leader de La France insoumise intervenait depuis son ancien QG de campagne. Une courte déclaration pour commenter l’arrivée à Matignon du maire du Havre, issu du parti Les Républicains, mais surtout illustrer la volonté de l’ex-socialiste de se poser en chef de l’opposition à gauche.
« La droite vient d’être annexée ! », s’est exclamé M. Mélenchon. Critiquant un « attelage hasardeux » qui « ne fonctionnera qu’au prix d’un césarisme et d’une autorité de la monarchie présidentielle toujours plus grande », celui qui se présente aux législatives à Marseille a appelé les Français à voter pour son mouvement afin de ne pas donner « les pleins pouvoirs » au nouveau président de la République. « Une cohabitation est nécessaire », a insisté le député européen, jugeant qu’« en face de M. Macron et pour le bien de notre démocratie, ne reste qu’une force cohérente (…), c’est La France insoumise ».
Pour son ancien allié du Parti communiste, Pierre Laurent, la nomination de ce proche d’Alain Juppé signe « un choix clair, ni de gauche ni de gauche ». « Le tintamarre sur le renouveau cache de vieilles recettes du libéralisme », a estimé le secrétaire national du PCF qui a mis en garde les électeurs contre la volonté de M. Macron d’« engager dès l’été le laminage du code du travail, des dépenses et des services publics, des budgets des collectivités locales ».
« Ni sérieux ni crédible »
Au PS, les réactions ont été partagées, soulignant la fracture qui traverse le parti face à Emmanuel Macron. « Maintenant c’est clair : avec un premier ministre de droite, le Parlement a besoin de gauche », a tweeté Jean-Christophe Cambadélis. Dans son édito politique hebdomadaire, le premier secrétaire a également rappelé que le nouveau chef du gouvernement s’était opposé à M. Macron, lorsqu’il était ministre de l’économie, « sur tous les sujets ». « D’ailleurs M. Juppé ne s’y est pas trompé, a ajouté M. Cambadélis. Il vient de déclarer : soit nous avons une majorité au Parlement et ce sera un premier ministre de droite, soit nous n’aurons pas de majorité au Parlement et ce sera encore un premier ministre de droite avec qui nous pourrons travailler. Donc François Baroin ou Edouard Philippe, c’est du pareil au même. »
De son côté, l’ex-candidat à la présidentielle du PS, Benoît Hamon, a beau souhaiter dans un communiqué « bonne chance et bon courage » à M. Philippe, il n’en attaque pas moins son installation rue de Varenne. « Emmanuel Macron a clarifié l’orientation de son projet politique », a estimé le député des Yvelines, soulignant que « la place de la gauche n’est ni dans son gouvernement ni dans la majorité qui pourrait le soutenir ». « Qui peut croire que la gauche se reconstruira dans une coalition dirigée par un membre des Républicains ? Ce n’est ni sérieux ni crédible », a-t-il poursuivi. Le député européen frondeur, Emmanuel Maurel, a lui choisi l’ironie après cette annonce. « Tout rentre dans l’ordre : on a finalement Hollande et Juppé », a-t-il réagi sur Twitter.
Tous n’ont pas été aussi critiques. Ceux qui s’étaient rangés aux côtés de M. Macron lors de la présidentielle se sont félicités de cette nomination comme Didier Guillaume, président du groupe socialiste au Sénat. « Edouard Philippe me semble celui qui peut rassembler les progressistes de droite et de gauche. (…) Pourquoi je soutiens le président de la République et je soutiendrai ce gouvernement et la majorité présidentielle ? Parce que nous n’avons pas autre chose à faire. Il faut que ce pays s’en sorte, continue à se développer, et pour cela il faut qu’Emmanuel Macron et son gouvernement réussissent », a-t-il déclaré sur BFM-TV.
La tonalité était similaire chez l’ex-député de Paris Christophe Caresche. « Bon vent et bonne chance à Edouard Philippe, un homme de qualité qui donnera une traduction à l’indispensable recomposition politique », a-t-il tweeté. Même Matthias Fekl, ministre de l’intérieur sortant et soutien de M. Hamon pendant la présidentielle, s’est montré positif. « Bravo à Edouard Philippe ! Par-delà nos différences politiques, je souhaite bonne chance à l’ami, et plein succès au nouveau premier ministre », a-t-il réagi.
Quant aux écologistes, ils ont déploré une désignation qui « confirme les intentions libérales d’Emmanuel Macron » et mis l’accent sur la carrière professionnelle de M. Philippe, qui a été directeur des affaires publiques d’Areva de 2007 à 2010. « Cette situation pourrait freiner la mise en œuvre de mesures absolument nécessaires en matière de nucléaire et au-delà de politiques énergétique et climatique », ont regretté les porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts, Sandra Regol et Julien Bayou, dans une formulation relativement clémente pour le nouvel exécutif.