« Impeachment » d’un président : que prévoit la Constitution américaine ?
« Impeachment » d’un président : que prévoit la Constitution américaine ?
Par Camille Charpentier
La procédure, très exceptionnelle, peut conduire à la destitution du président, mais elle est très difficile à mettre en œuvre.
Sous le feu de vives critiques depuis sa prise de fonctions, en janvier, Donald Trump est désormais au cœur d’une nouvelle affaire qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices. Le New York Times a publié, mardi 16 mai, le contenu d’une note de l’ancien directeur du FBI limogé le 9 mai, James Comey, affirmant que le président américain lui avait demandé en février de « laisser tomber » une enquête sur son ancien conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn. Une telle requête venant de M. Trump pourrait représenter, si elle était confirmée, une interférence directe dans une enquête en cours et donc être assimilée à une possible obstruction à la justice.
La Maison Blanche a formellement démenti cette allégation, mais, après cette nouvelle controverse, des voix s’élèvent pour s’interroger sur la possibilité de lancer une procédure d’« impeachment », pouvant conduire à la destitution du président. Celle-ci, utilisée dans de très rares cas, est toutefois difficile à mettre en œuvre et comporte plusieurs étapes majeures. Aucun président américain n’a d’ailleurs, jusqu’à maintenant, été destitué par le biais de cette procédure.
Rappel de ce que prévoit la Constitution américaine.
Qu’est-ce que l’impeachment ?
La procédure de mise en accusation, ou impeachment process, est inscrite dans l’article 2 de la Constitution américaine. Elle permet de juger et de destituer un président qui se serait rendu coupable de trahison, corruption ou « crimes et délits majeurs », notion qui n’est pas définie précisément.
La procédure peut aussi s’appliquer aux hauts fonctionnaires du gouvernement : vice-président, juges fédéraux et membres des cabinets. Elle n’est pas limitée dans la durée, elle peut prendre quelques jours comme plusieurs mois.
Comment se déroule la procédure ?
Pour lancer une procédure d’impeachment, les deux chambres du Congrès interviennent : la Chambre des représentants (la chambre basse) et le Sénat (la chambre haute). Il est d’usage de dire que la Chambre des représentants représente le peuple, et le Sénat, les Etats.
- La Chambre des représentants décide de la tenue du procès
C’est à la Chambre des représentants d’engager le processus, avec une enquête confiée à son comité judiciaire. A l’issue de ses recherches, le comité soumet une résolution à la Chambre des représentants : la motion d’impeachment est alors adoptée ou rejetée. Si une majorité simple estime que les preuves sont suffisantes pour engager une procédure et vote pour l’adoption, un procès est alors ouvert devant le Sénat.
- Le Sénat juge de la culpabilité ou non
Au moment de sa comparution devant le Sénat, l’accusé est suspendu de ses fonctions. Pour juger le président, le Sénat n’est plus présidé par le vice-président, comme c’est habituellement le cas, mais par le président de la Cour suprême. Le procès ressemble à une procédure pénale habituelle, l’accusé est représenté par un ou plusieurs avocats. Si la majorité aux deux tiers des sénateurs juge que le président des Etats-Unis est coupable, il est destitué, et son vice-président le remplace immédiatement.
Quand a-t-elle été utilisée ?
Dix-neuf procédures d’impeachment ont été lancées depuis l’entrée en vigueur de la Constitution, en 1789, majoritairement envers des juges fédéraux. Seules trois d’entre elles ont concerné des présidents des Etats-Unis.
La Chambre des représentants a voté une mise en accusation en 1868 d’Andrew Johnson pour être passé outre une procédure de nomination des hauts postes de l’exécutif qui venait d’être votée, et en 1998 contre William Clinton, pour « parjure » et « obstruction à la justice » dans l’affaire Lewinsky. Le Sénat avait ensuite acquitté les deux présidents.
En plein scandale du Watergate, la préparation d’une procédure d’impeachment a été enclenchée contre Richard Nixon en 1974. Mais elle n’a pas abouti, le président ayant choisi de démissionner.