Notre-Dame-des-Landes s’invite dans la campagne des législatives en Loire-Atlantique
Notre-Dame-des-Landes s’invite dans la campagne des législatives en Loire-Atlantique
Par Yan Gauchard (Nantes, correspondant)
Le président de la région des Pays de la Loire redoute la médiation annoncée sur le futur aéroport, tandis que les candidats s’empoignent sur le sujet.
Sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le 7 février. | JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
Bruno Retailleau (LR), sénateur et président de la région des Pays de la Loire, prévient : « Il faut que l’on arrête le feuilleton » de Notre-Dame-des-Landes. Vendredi 19 mai, l’élu a fait savoir qu’il n’avait pas apprécié la prestation télévisée de Nicolas Hulot, nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire, la veille, au sujet du fameux projet d’aéroport qui cristallise les tensions.
Interrogé à propos de la médiation voulue par le président de la République, Emmanuel Macron, pour tenter de déminer le dossier, M. Hulot a indiqué sur le plateau de France 2 que toutes les alternatives à la construction de ce nouvel aéroport – prévu à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes (Loire-Atlantique) –, n’avaient pas été étudiées. Il y a « probablement une option qui permettra de satisfaire les intérêts des uns et des autres », a envisagé le ministre, au grand dam de M. Retailleau.
« Il est hors de question que l’on nous rejoue le scénario de l’enlisement, avec le même décor et les mêmes ficelles », bondit ce dernier, qui est aussi président du syndicat mixte aéroportuaire. Même s’il ne croit guère à la réussite d’une telle initiative, le président des Pays de la Loire veut bien cependant laisser sa chance à « une mission d’apaisement », afin de « faire baisser la pression » et d’aboutir « à l’évacuation pacifique de la zone ». Mais il refuse par avance toute discussion ouvrant la voie à de nouvelles études et à la remise à plat du dossier.
« Dédoublement de personnalité »
Pour étayer son propos, M. Retailleau ne se lasse pas de reprendre d’anciennes déclarations d’Emmanuel Macron ou d’Edouard Philippe, favorables au démarrage du projet. Il cite même Nicolas Hulot, qui s’était « incliné » face aux résultats de la consultation publique orchestrée à la fin du mois de juin 2016, en Loire-Atlantique. Il s’agissait alors pour la population de trancher la question. Le « oui » en faveur du projet l’avait alors emporté à 55 %.
« J’espère qu’il n’y a pas de dédoublement de personnalité, que le Nicolas Hulot, citoyen passionné d’environnement, est bien le même que Nicolas Hulot devenu ministre », raille M. Retailleau. Avant de tonner : « Si le pouvoir d’un médiateur est supérieur aux 178 décisions de justice qui valident le projet, si une médiation prime demain sur le vote de nos concitoyens, alors il n’y a plus d’Etat de droit, ni de démocratie. »
Aux côtés des élus PS qui sont aux commandes des principales collectivités du département et largement proaéroport, M. Retailleau va demander une entrevue au président Macron et à son premier ministre. « On veut obtenir des clarifications sur le contenu de cette médiation, indique le sénateur. Et une réponse à cette question : “Qu’est-ce qui a été négocié pour que Nicolas Hulot entre au gouvernement ?” »
De fait, le projet de l’aéroport s’invite une fois de plus au cœur de la campagne électorale des législatives. Durant le quinquennat de François Hollande, les élus PS du territoire ont modéré leurs critiques sur la gestion de ce dossier pour ne pas embarrasser Jean-Marc Ayrault (PS) – ancien maire de Nantes et député de Loire-Atlantique devenu premier ministre –, et lui-même ardent promoteur de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. La donne a désormais changé.
Sitôt qu’Edouard Philippe (LR) a été nommé à Matignon, le président du conseil départemental de Loire-Atlantique, Philippe Grosvalet (PS), a publié un communiqué exhortant le nouveau gouvernement à « passer rapidement à l’action », affirmant que « toutes les conditions sont réunies pour lancer l’aéroport du Grand Ouest ». M. Grosvalet a lui aussi pris soin de dresser un florilège des anciennes déclarations en faveur de l’aéroport du nouveau chef de l’Etat et de son premier ministre.
Une campagne pimentée
Dans ce contexte, la campagne des législatives promet d’être âpre et complexe. Elle sera pimentée par les désaccords sur le futur aéroport, notamment dans la sixième circonscription de Loire-Atlantique, qui englobe la commune de Notre-Dame-des-Landes. Le député Yves Daniel (PS), favorable à l’aéroport, est passé sous l’étendard de La République en marche.
« Dans la mesure où il n’y a pas de nouveaux éléments, je considère toujours que le projet est utile, note le candidat, qui affirme avoir reçu un mot d’encouragement de la part de Jean-Marc Ayrault. Mais je trouve bien qu’Emmanuel Macron se donne six mois pour travailler sur le dossier et le faire avancer. Il faut trouver une solution pour débloquer la situation : analyser le projet, d’éventuelles alternatives. »
Au sein du PS, des voix, parmi lesquelles celle de Christophe Clergeau, chef de file de l’opposition de gauche au conseil régional, ont demandé à la fédération du parti de renoncer à présenter un concurrent dans cette circonscription, afin d’empêcher la droite de reconquérir la place, mais aussi d’écarter toute possibilité de voir le FN se hisser au second tour. Peine perdue, les militants de la section locale en ont décidé autrement.
Dans la dixième circonscription, le PS de Loire-Atlantique a fait le choix de laisser le champ libre à une candidature écologiste – donc anti-aéroport –, au nom de l’accord national passé avec EELV. Mais Sophie Errante, la députée sortante socialiste s’y présente à nouveau… avec l’étiquette du mouvement d’Emmanuel Macron. Quant à la première circonscription, le PS n’y livrera pas bataille face à François de Rugy, député écologiste sortant, opposé au projet, mais ayant lui aussi rallié la bannière de La République en marche.