La prof qui défend un yoga « pour tous les gens, qu’ils soient gros, vieux ou petits »
La prof qui défend un yoga « pour tous les gens, qu’ils soient gros, vieux ou petits »
Par Big Browser
Jessamyn Stanley, 29 ans, est professeure de yoga. Elle n’est ni svelte ni blanche et milite pour une pratique plus inclusive d’un sport parfois entouré de trop clichés.
Chez les adeptes du yoga, tel qu’il se pratique en salle, il est plus fréquent de croiser des jeunes femmes blanches à l’allure svelte et tonique dont la taille de pantalon ne dépasse pas le 40, plutôt que des personnes issues de la diversité et en surpoids. Heureusement, quelques exceptions dérogent à cette vision stéréotypée.
Jessamyn Stanley n’est ni fine ni blanche. Cette jeune professeure de yoga à Durham, en Caroline du Nord, se décrit elle-même comme une « adepte du yoga et une femme grosse ». Sur Instagram, où elle pose dans des vêtements révélant sans fard une anatomie voluptueuse, et avec son dernier livre, EveryBody Yoga : Get on the Mat, Love your body (le yoga pour tout le monde : montez sur le tapis, aimez votre corps) elle défend un yoga qui ne soit pas une question d’apparence, mais seulement de ressenti :
« Tous les corps ont le droit d’être représentés sur le papier, pas uniquement les silhouettes élancées, féminines et blanches. J’ai écrit ce livre pour tous les gens, qu’ils soient gros, vieux ou petits. J’ai écrit ce livre pour toutes les personnes qui entretiennent un rapport difficile avec leurs corps. »
Dans la grande tradition du self-help américain, le manuel conjugue conseils pratiques et leçons de vie ponctuées d’anecdotes personnelles. Jessamyn Stanley a voulu écrire ce livre pour, essentiellement, deux raisons :
- Une demande croissante dans sa communauté en ligne pour connaître son histoire et savoir tout simplement comment débuter le yoga.
- L’autre est plus intime : « Ecrire ce livre était cathartique. Aussi difficile que ce fut, je l’ai senti comme une libération. »
Elle y réserve quelques critiques sur ce qu’elle considère être les dérives du yoga moderne, « perverti par le consumérisme et le narcissisme », qui stigmatise et se coupe de ceux qui détonnent. « Certaines personnes de la communauté ne comprennent pas que l’environnement qu’ils ont créé est perçu comme hostile par des personnes de race, de genre et de physionomie différentes », écrit-elle, ajoutant à ces barrières érigées celle du coût parfois très élevé de l’abonnement aux cours :
« Ceux qui ont le plus souvent besoin d’un cours de yoga – les marginaux – sont ceux qui peuvent le moins y accéder. »
D’ailleurs, Jessamyn Stanley pratique le yoga chez elle, en solo, loin de toute microagression potentielle.
« Beaucoup de gens se reconnaissent en moi »
Sa démarche ne se veut pas revendicatrice, ni un combat contre le yoga « moderne », mais une façon de son histoire personnelle et quelques conseils pratiques pour ceux voudraient faire du yoga sans avoir a priori le corps pour. « Je pense que beaucoup de personnes se reconnaissent en moi », précise la jeune femme, pour qui le yoga a constitué une libération sur le plan de la quête spirituelle.
« Je cédais souvent à l’anxiété et à la dépression. Cela m’a aidé à comprendre l’un des problèmes majeurs dans ma vie de tous les jours, je ne me donnais pas assez de défis et je restais dans ma zone de confort. »
Lutter sans répit pour correspondre aux stéréotypes imposés a été une préoccupation épuisante, vécue dès l’adolescence, avant la pratique rédemptrice du yoga. Sur son blog, elle retrace une expérience douloureuse : voulant à tout prix être une cheerleader (majorette) dans son lycée du sud des Etats-Unis, le refus a été brutal. « Tout d’un coup, je me suis sentie moche et désespérée », écrit-elle.
« Je reconnais avoir eu quelques gros soucis de confiance en moi, mais je ne dirai pas qu’ils étaient plus graves que d’autres femmes aux Etats-Unis. Je pense que grandir dans une famille de femmes noires avec des formes a été une source de pouvoir. Même quand je succombais aux stéréotypes de la beauté adolescente auxquelles je ne correspondais pas du tout à la fin des années 1990, je m’accrochais à l’idée que ma grand-mère et ma mère me ressemblaient, et ça m’allait. »
C’est sous les conseils de sa tante qu’elle s’essaye, à 16 ans, au bikram yoga. Une séquence de vingt-six postures effectuée en quatre-vingt-dix minutes dans une salle à 40 oC, « un enfer », se rappelle-t-elle. C’est à l’université qu’elle remet le pied à l’étrier.
Elle y trouve alors une satisfaction spirituelle qu’elle n’avait jamais ressentie avec d’autres activités physiques. Et commence à poster des photos sur Instagram pour partager son bien-être. Ces images légèrement impudiques contribuent à faire passer le message que le yoga est avant tout une question de ressenti plutôt que d’apparence. Et aident « les gens de tous les jours » à se reconnaître dans une figure de l’empowerment au féminin.