Menaces de mort présumées, plainte pour agression de colleurs d’affiches, la campagne de La République en marche (LRM) a pris un tour nauséabond, lundi 29 mai à Marseille, dans les 4e et 7circonscriptions des Bouches-du-Rhône, détenues par les députés socialistes Patrick Mennucci et Henri Jibrayel.

Dans la 4e circonscription, placée sous tous les regards nationaux depuis la décision de Jean-Luc Mélenchon de s’y présenter pour La France insoumise, c’est le suppléant de la candidate LRM Corinne Versini, qui se voit rattrapé par une polémique. Saïd Ousmane Diallo, Marseillais de 45 ans, est accusé d’avoir proféré des menaces de mort contre le candidat Mennucci. L’histoire ne date pas de ces législatives mais des précédentes en 2012, où la victoire de M. Mennucci face à l’ex-socialiste Lisette Narducci, alors étroitement liée au président du conseil général Jean-Noël Guérini, s’est déjà déroulée dans des circonstances agitées.

Curieusement, elle a refait surface loin de Marseille, dans la matinale de France Inter, lundi, dont l’invité était le président de la commission d’investiture LRM, Jean-Paul Delevoye. Se présentant comme une « électrice d’Emmanuel Macron à la présidentielle », « Joëlle, auditrice marseillaise » interpelle M. Delevoye sur la personnalité du suppléant de Mme Versini « qui a proféré des menaces de mort très violentes contre un autre candidat ». A l’antenne, elle fait état d’un « procès-verbal qui circule sur les réseaux sociaux » où M. Diallo reconnaîtrait les faits, et se dit « très surprise qu’En marche ! installe des gens du vieux système Guérini à Marseille ». M. Delevoye tombe des nues mais rappelle que la commission d’investiture a laissé aux candidats « le choix de leur suppléant », et conseille à Mme Versini de « ne pas soutenir ce type de propos ».

Dialogue privé

A Marseille, l’attaque fait bondir l’intéressée, référente départementale LRM. « C’est une manœuvre grossière d’un candidat, dénonce-t-elle. Je garde toute ma confiance en mon suppléant qui a fait la campagne présidentielle avec nous. » Souhaitant « porter plainte pour propos diffamatoires », Mme Versini devait tenir une conférence de presse mardi 30 mai pour dénoncer « des pratiques antidémocratiques » dont elle estime être victime.

Joint par Le Monde, Saïd Ousmane Diallo assure, lui, « n’avoir jamais proféré aucune menace, ni n’avoir été interrogé par la police à ce sujet ». « J’ai un contentieux politique avec M. Mennucci depuis 2012, mais c’est plutôt moi qui ai porté plainte contre lui pour avoir enregistré une conversation à mon insu », précise cet ancien du PS marseillais.

La conversation en question était jusqu’alors restée très confidentielle. Elle a été utilisée en 2012 par Patrick Mennucci devant le Conseil constitutionnel pour se défendre, avec succès, contre les recours déposés contre lui en 2012. Elle est également contenue dans un document rendu partiellement public lundi, par l’équipe du député. Il s’agit du « rapport de synthèse » d’une enquête préliminaire adressé le 13 mars 2013 au procureur adjoint de Marseille par la Sûreté départementale des Bouches-du-Rhône.

Cette enquête sur des « faux témoignages et menaces de mort » est consécutive à une plainte déposée par M. Mennucci contre Saïd Ousmane Diallo. Elle évoque des « propos stupéfiants et même des menaces de mort indirectes » et présente des extraits d’un dialogue privé, où M. Diallo parle de la haine générée par le député marseillais en des termes très crus : « La seule chance qu’il a à l’heure actuelle, c’est qu’il est sous le feu des médias, sinon il lui serait arrivé comme à l’autre. Tu te souviens de Piat [Yann Piat, députée du Var assassinée en 1994], elle s’est fait tuer à Toulon ou à Hyères. Elle aussi avait trop ouvert sa gueule. » « Pourquoi ils veulent détruire Patrick, poursuit-il, parce qu’il a des trucs avec Guérini, il a mis les projecteurs sur Guérini. »

Si plusieurs personnes ont été mises en examen dans le cadre de cette enquête et qu’un procès correctionnel devrait se tenir prochainement, aucune suite judiciaire n’a touché M. Diallo, qui, lundi, était toujours le suppléant LRM dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône.

Incident au cours du week-end

Dans le nord de la ville, c’est à l’inverse, le candidat de LRM qui dénonce les méthodes de son adversaire, le député PS Henri Jibrayel. Mardi 30 mai, Saïd Ahamada devait déposer plainte contre le sortant pour un incident intervenu au cours du week-end dans le quartier de Saint-Henri (16e arrondissement).

« Deux de nos colleurs ont été agressés par des équipes de M. Jibrayel en présence du député, explique le candidat LRM. Il y a eu intimidation et vol de nos affiches dans leur véhicule. Un des agresseurs a dit que s’ils les retrouvaient sur le terrain, ils leur trancheraient la gorge, geste à l’appui. »

Henri Jibrayel, lui, donne une tout autre version de faits : « J’ai vu des colleurs arracher mes affiches, je suis descendu de voiture pour leur dire de ne pas faire ça et je suis reparti. » Pour lui, la discussion a été courte et sereine. « L’un des colleurs est un ancien du PS. Il m’a même embrassé et m’a donné son numéro de téléphone. Il veut que je le prenne avec moi », assure le député sortant pour qui l’épisode « est tout à fait habituel dans une campagne qui se passe très bien ».