Rencontre Macron-Poutine : dans la presse russe, « l’Infant terrible » de France surprend
Rencontre Macron-Poutine : dans la presse russe, « l’Infant terrible » de France surprend
Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
Les médias russes évoquent une première rencontre « amicale » entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, mais « nerveuse » sur le fond.
Emmanuel Macron et Vladimir Poutine dans la galerie des Batailles au château de Versailles, lundi 29 mai 2017. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
La première chaîne de télévision russe, Perviy Kanal, a choisi de donner une version impressionniste de la première rencontre, lundi 29 mai, entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine. Les ors de Versailles, la poignée de main – plus chaleureuse que celle échangée quelques jours plus tôt avec Donald Trump –, le cuisinier présenté au chef du Kremlin, ont supplanté les relations bilatérales, la Syrie ou l’Ukraine.
Les « subtilités du protocole » n’ont pas permis d’aller au-delà de ce cadre, rapporte mardi le quotidien économique Vedomosti, qui n’a pas relevé de « contradictions » entre les deux dirigeants.
Le plus long extrait de la conférence de presse commune des deux chefs d’Etat, diffusé le soir même par Perviy Kanal, a concerné la réception au Kremlin, lors de la campagne présidentielle française, de Marine Le Pen, que M. Poutine a ainsi justifiée : « Le plus important, pour nous, est qu’elle a toujours pris position pour le développement des relations avec notre pays (…) Cela ne signifie pas que nous ayons tenté d’influencer l’élection. »
Poutine « ne s’attendait pas à une telle pression »
Rossiskaïa Gazeta a préféré retenir en titre l’appel lancé par le chef du Kremlin « aux Français d’esprit libre » pour la levée des sanctions. Le journal progouvernemental a également mis en avant « des points d’accord » entre les deux hommes sur « leur but principal : la lutte contre le terrorisme ». Néanmoins, ajoute le quotidien, M. Macron a « fait comprendre que la France est étroitement liée à l’Union européenne ».
L’attitude « sans concession » du chef de l’Etat français, dont il s’était lui-même prévalu à l’avance, a parfois surpris. « Le président russe ne s’attendait pas à une telle pression », souligne le quotidien Moskovski Komsomolets, qui note avec humour que « la vieille Europe a désormais un nouvel “Infant terrible” ».
M. Poutine « n’a même pas su quoi dire quand M. Macron a nommé les médias russes d’Etat organes d’influence et de propagande mensongères », écrit le quotidien, ajoutant : « Les Français ont eu tort de craindre qu’Emmanuel Macron ne passe pas le test de Vladimir Poutine. Il maîtrise parfaitement le principe des trois mousquetaires : pour ne pas être obligé de se défendre, il est allé à l’attaque. »
« Aucun signe de sentiments chaleureux »
La rude mise au point du président français sur RT et Sputnik, les deux principales agences multimédias du Kremlin, qui avaient été interdites d’accès au QG de M. Macron au soir de l’élection en raison de leurs commentaires peu amènes durant sa campagne, a en effet été remarquée en Russie.
Elle a surtout déclenché la colère de Margarita Simonian, rédactrice en chef de RT. « Si l’on suit la logique de Macron, tous les médias “mainstream” doivent être expulsés de Russie, parce qu’ils sont tous contre Poutine et pour l’opposition », a-t-elle fustigé sur la chaîne de télévision Rossia1, ainsi que sur son compte Twitter.
Après quasiment trois heures d’entretien, « ce n’est pas par hasard si les deux présidents n’ont montré aucun signe de sentiments chaleureux », écrit le correspondant de Kommersant. « La conférence a commencé calmement et s’est terminée nerveusement », commente pour sa part le journal indépendant Novaïa Gazeta, qui résume ainsi la prestation des deux dirigeants au milieu des tableaux sur les victoires historiques de la France : « Echange de vue amical dans la galerie des batailles. »
A l’exception de Novaïa Gazeta, qui est à l’origine des révélations sur les persécutions des homosexuels tchétchènes, quasiment aucun média n’a cependant repris la remarque à ce sujet de M. Macron, selon lequel son invité « a promis de faire toute la lumière » sur cette affaire.