Theresa May, la première ministre britannique, à Wolverhampton, dans le centre de l’Angleterre, le 30 mai 2017. | LEON NEAL / AFP

S’il le faut, le Royaume-Uni quittera l’Union européenne (UE) « sans accord » avec ses partenaires. Lundi 29 mai, à dix jours des élections législatives anticipées, la première ministre britannique, Theresa May, a rappelé qu’elle était prête à adopter une ligne dure face aux Européens. Des propos qui ont ravivé les inquiétudes d’une partie des entreprises installées outre-Manche. « Un Brexit sans accord commercial avantageux avec l’Union européenne serait un sérieux handicap pour notre activité », confie ainsi le patron londonien d’une société de formation en langues étrangères. Il redoute de voir sa clientèle fondre. Et de peiner, à l’avenir, à recruter des professeurs français ou espagnols…

Dans une étude publiée mercredi 31 mai, les économistes du spécialiste de l’assurance-crédit Coface se sont penchés sur le sujet. Leur constat est sans appel : quelles que soient les modalités du Brexit, et même si le Royaume-Uni gardait des avantages notables pour les investisseurs, « les entreprises britanniques devraient souffrir d’un déficit d’attractivité » ces prochaines années.

Depuis le référendum du 23 juin 2016 sur la sortie de l’UE, celles-ci ont pourtant fait preuve d’une incroyable résilience. Sur le dernier trimestre de l’an dernier, leurs profits ont ainsi culminé à 105 milliards de livres sterling (120,9 milliards d’euros), soit un niveau jamais atteint, tandis que la confiance des consommateurs n’a pas flanché. Mais cette bonne tenue est en partie en trompe-l’œil. « Dans le même temps, les PME ont retardé certains investissements en raison des incertitudes liées au Brexit », notent Marie Albert, François Fenech, et Johan Spehner, les trois économistes auteurs de l’étude. La part des investissements des entreprises dans le produit intérieur brut (PIB) est ainsi retombée à 8,8 % en 2016, au plus bas depuis la crise.

Les ménages ont puisé dans leurs bas de laine

Cet attentisme devrait s’amplifier ces prochains mois. « Dès cette année, les entreprises pâtiront, en outre, du ralentissement de la consommation privée », détaille la note. La dépréciation de la livre sterling a en effet renchéri le prix des importations, poussant l’inflation de 0,6 % en juillet 2016 à 2,7 % en avril 2017. Les ménages ont d’abord puisé dans leurs bas de laine pour préserver leur pouvoir d’achat. Mais, désormais, leur taux d’épargne est au plus bas, si bien que leurs dépenses devraient se tasser ses prochains mois.

Lorsque le Brexit sera effectif, courant 2019, les PME britanniques seront confrontées à un défi plus complexe encore : la politique migratoire plus restrictive promise par le gouvernement devrait en effet se traduire par des pénuries de main-d’œuvre et des difficultés de recrutement dans certains secteurs. Alors que la part des étrangers dans la population active s’élève aujourd’hui à 11,6 %, la baisse du nombre d’Européens s’installant outre-manche pourrait entraîner une perte de croissance potentielle de 0,3 à 0,6 point de PIB en 2019, selon la Coface.

« Quelles que soient les modalités du Brexit, l’attractivité du pays pour les investisseurs en souffrirait : les investissements directs étrangers pourraient baisser de 22 % », estiment les auteurs. Alors que la croissance pourrait se tasser à 1,4 % en 2017 et 1,2 % en 2018 contre 2 % en 2016, le nombre de défaillances d’entreprises britanniques devrait bondir de 8,7 % cette année, puis de 8 % l’an prochain, prédit l’assureur-crédit. Le secteur automobile, la distribution et l’agroalimentaire seraient particulièrement affectés.

Comment les PME feront-elles face ? Les plus petites ou fragiles risquent de disparaître, sauf si elles parviennent à modifier leur business model, prévient la Coface. Les plus grandes envisageront de relocaliser une partie de leurs activités en Irlande, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Un scénario qui ne tient pas compte des mesures que le gouvernement britannique prendrait sans aucun doute pour entretenir malgré tout l’attractivité de son territoire. Par exemple, en baissant de 20 % à 17 % le taux d’imposition sur les sociétés…