La guerre des Six-Jours, un tournant dans l’histoire israélienne
La guerre des Six-Jours, un tournant dans l’histoire israélienne
Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)
Israéliens et Palestiniens commémorent, lundi 5 juin, le cinquantième anniversaire de ce conflit armé qui ouvrit la voie au régime d’occupation de la Cisjordanie.
Des troupes israéliennes dans le Sinaï égyptien, le 7 juin 1967. | ANONYMOUS / AP
Entre Palestiniens et Israéliens, peu de sujets sont aussi antagonistes que la mémoire de la guerre des Six-Jours, en juin 1967. Ce que les premiers pleurent, les seconds le fêtent. Ce que les uns nomment « occupation », les autres le qualifient de « libération ». La victoire éclatante du jeune Etat hébreu, auquel rien ne semblait résister en ces quelques jours qui modifièrent son destin et portèrent un coup fatal au nationalisme arabe, ouvrit la voie au régime d’occupation, dont on commémore le cinquantième anniversaire.
A compter de 1967, Israël prit le contrôle de l’intégralité de Jérusalem et installa un système militaire en Cisjordanie, dans lequel a prospéré la colonisation avec le soutien des gouvernements successifs.
La guerre éclair
L’escalade vers le conflit régional se produit au cours du mois de mai 1967. En imposant la fermeture du détroit de Tiran (entre le golfe d’Aqaba et la mer Rouge), l’Egypte bloque la voie d’accès au port israélien d’Eilat. Auparavant, Nasser ordonne à ses hommes de réoccuper le Sinaï, zone démilitarisée depuis dix ans, et exige le départ de la force internationale qui y est déployée.
Une euphorie anti-israélienne gagne vite le monde arabe. Le chef d’état-major israélien, le général Yitzhak Rabin (futur premier ministre), explique au conseil des ministres que le pays n’a pas le choix : il faut attaquer sans attendre, pour ne pas être balayé. Le premier ministre, Levi Eshkol, qui cherchait à s’assurer d’un soutien international, se laisse convaincre.
La supériorité militaire, la finesse stratégique, la rétention d’informations afin de tromper l’ennemi, la qualité du renseignement technique et humain : tout cela explique comment une guerre peu désirée se transforme en triomphe. Le Sinaï, la Cisjordanie, Jérusalem-Est, la bande de Gaza et le plateau du Golan sont conquis.
Des soldats égyptiens capturés par Tsahal, le 6 juin 1967. | ANONYMOUS / AP
Le 5 juin, l’Etat hébreu lance une offensive terrestre et aérienne contre l’Egypte, dans le Sinaï. Les forces jordaniennes entrent dans le conflit et bombardent Jérusalem-Ouest, croyant que les Israéliens plieraient face à la puissance du grand voisin arabe, au sud. Il n’en est rien : les trois quarts de l’aviation égyptienne sont détruits lors d’une attaque surprise à l’aube. Le 6 juin, l’armée israélienne encercle Jérusalem-Est, avant de pénétrer dans la vieille ville le lendemain, avec une facilité déconcertante.
La seule bataille véritable contre les soldats jordaniens a lieu sur la colline des Munitions. L’armée s’empare aussi de la Cisjordanie et avance jusqu’au Jourdain, puis elle prend le plateau du Golan à la Syrie, au nord, après une seule journée de combats lourds. Les Syriens fuient, abandonnant une grande partie de leurs équipements. Le 10 juin, à 18 heures, un cessez-le-feu général est proclamé. La victoire israélienne est totale, les gains de territoire spectaculaires, les pertes humaines faibles (environ 800 hommes) par rapport à celles des pays arabes (20 000).
Jérusalem, le vertige d’une victoire historique
Dans l’euphorie de ce mois de juin 1967, les Israéliens obtiennent un gain inestimable, d’un point de vue religieux, culturel, politique, psychologique : ils se saisissent de l’ensemble de Jérusalem. Un miracle au vu de l’histoire. La ville est coupée en deux depuis la guerre de 1948 et la proclamation de l’Etat d’Israël.
En 1947, pourtant, le plan de partage mis en avant par l’ONU avait proposé un statut international pour la cité. Mais, depuis, la partie ouest se trouve sous contrôle israélien, où se concentrent les lieux de pouvoir comme le Parlement et les ministères ; la partie est, avec la vieille ville et les sites sacrés, aux mains des Jordaniens. La délimitation est la ligne verte de cessez-le-feu.
Le général Moshe Dayan lors de sa première conférence de presse en tant que ministre israélien de la défense, le 3 juin 1967. | ANONYMOUS / AP
Lorsque le ministre de la défense, le général Moshe Dayan, au célèbre bandeau noir sur l’œil gauche, et Yitzhak Rabin lancent la conquête de la partie est de Jérusalem, ils agissent essentiellement de leur propre initiative. Avec une facilité déconcertante, et sans stratégie claire validée par l’autorité politique, leurs troupes pénètrent dans les ruelles de la vieille ville. La séparation entre est et ouest tombe.
Le 6 juin, en conseil des ministres, Menahem Begin, qui sera chef du gouvernement dix ans plus tard, est le plus ardent partisan de cette opération. Il pense aussi à la sémantique, aux réactions internationales probables. « Nous employons constamment le mot “conquérir”. C’est correct du point de vue militaire, mais je dirais que la vieille ville est “libérée”. Si cela pose problème, on peut dire que la vieille ville de Jérusalem, la cité de David, se trouve entre les mains des forces armées. »
Les images des soldats touchant le Mur des lamentations, où aucun juif n’avait prié depuis 1948, vont devenir iconiques. Le 10 juin, les quelque 600 habitants du quartier des Maghrébins, situé en face même du Mur, se voient signifier leur expulsion. L’esplanade va être rasée, plus de maisons arabes. De rares photos témoignent encore de ce que fut ce quartier à l’époque. Le 18 juin, Israël annexe 71 kilomètres carrés à l’est, avant d’y étendre sa législation à la fin du mois. Jérusalem est réunifiée.
« Un baril de poudre »
Les archives du conseil des ministres, révélées dans leur intégralité il y a quelques semaines, montrent que le chef de la diplomatie, Abba Eban, était le plus lucide de tous. Le 15 juin 1967, il évoquait un « baril de poudre ». « Nous sommes assis ici avec deux populations, l’une dotée de tous ses droits civiques et l’autre privée de tous ses droits, dit-il. Ce tableau de deux catégories de citoyens est difficile à défendre, même dans le contexte spécial de l’histoire juive. »
Des soldats israéliens dans la vieille ville de Jérusalem, jusqu’ici aux mains des Jordaniens, le 6 juin 1967. | ISRAEL ARMY / AP
Aujourd’hui, la ville de Jérusalem compte 883 000 habitants, selon les chiffres les plus récents du Bureau central des statistiques. Parmi eux, 552 000 juifs et 331 000 Palestiniens. Ces derniers ne sont pas des citoyens d’Israël à part entière, mais ils paient pour beaucoup la taxe d’habitation à la mairie et bénéficient d’une carte de résident, qui leur permet de travailler et de se déplacer librement dans le pays.
Le 24 mai, s’exprimant à la tribune de la Knesset (Parlement), le premier ministre Benyamin Nétanyahou a déclaré : « Le mont du Temple [l’Esplanade des mosquées, pour les musulmans] et le mur des Lamentations resteront à jamais sous souveraineté israélienne. La correction d’une injustice historique qui a été obtenue par l’héroïsme de nos combattants il y a cinquante ans demeurera à jamais. »
Israël-Palestine, cinquante ans d’occupation
Il y a cinquante ans, le 10 juin 1967, Israël remportait une victoire éclair et spectaculaire sur les armées arabes, prenant le contrôle de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, du plateau du Golan et de la bande de Gaza, lors de la guerre des Six-Jours. En un demi-siècle, les colonies se sont multipliées dans les territoires occupés. Avec le temps, ce régime de domination a affecté les deux sociétés, israélienne comme palestinienne.
Notre correspondant en Israël, Piotr Smolar, revient sur les conséquences de cette occupation :
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