Où est la frontière entre un compte Twitter pro et perso : le cas de François Bayrou
Où est la frontière entre un compte Twitter pro et perso : le cas de François Bayrou
Par Big Browser
Un ministre de la justice n’a pas le droit de soutenir publiquement quelqu’un faisant l’objet d’une enquête préliminaire sur son compte officiel. Il se donne le droit de le faire en changeant de compte.
Aussitôt nommé « ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice » le 17 mai, François Bayrou, ou un de ses conseillers, a rapidement changé la biographie de son compte Twitter officiel. Ses nouvelles attributions s’ajoutaient à celle de « maire de Pau », tel qu’il se décrivait succinctement sur le réseau social. Et puis, le 30 juin, elles disparaissaient.
Tiens, bizarre : François Bayrou a enlevé "ministre de la Justice" de sa bio twitter, remplacé par "Maire de Pau" https://t.co/8XBGQUoSKI
— FredericSays (@Frédéric Says)
François Bayrou a fait valoir au Parisien qu’il considérait son compte aux 621 000 followers comme celui de François Bayrou, maire et chef de parti, et que François Bayrou, ministre et membre du gouvernement, s’exprimerait via celui du ministère de la justice.
Pourquoi ce revirement soudain ? Le 29 mai, Marielle de Sarnez, bras droit de François Bayrou au MoDem et nouvelle ministre déléguée aux affaires européennes, fait l’objet d’une enquête préliminaire du parquet de Paris pour des soupçons d’emploi fictif d’assistante parlementaire. Et la ministre décide de se défendre des accusations à son encontre, portées par l’eurodéputée FN Sophie Montel, dans un communiqué publié sur son compte Twitter.
Communiqué de presse : https://t.co/ismlyIbu4w
— desarnez (@Marielle de Sarnez)
Le message est repris par François Bayrou, en signe de soutien public. Le problème est que même un retweet, un like ou une reprise, donc une prise de position dans une affaire judiciaire, par un ministre de la justice censé être neutre, ne risquait pas de passer inaperçu. Plusieurs magistrats syndiqués chez Force ouvrière se sont aussitôt interrogés sur cette ingérence :
« Comment interpréter le fait que le garde des sceaux, qui s’est abstenu de tout commentaire dans l’affaire Ferrand au nom de l’indépendance de la justice, tweete en faveur d’une collègue ministre alors qu’elle est sur le point de lancer une procédure judiciaire ? »
Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a aussi exprimé des réserves et s’est interrogé très philosophiquement sur « la gestion de nos réseaux sociaux et notamment sur cette fine limite qui peut exister entre les réseaux privés et publics ».
Pour ne pas dépasser cette « fine limite », François Bayrou, ou un de ses conseillers, a tout simplement supprimé la mention de ses fonctions ministérielles. C’est François Bayrou le chef de parti qui a apporté son soutien à Marielle de Sarnez. François Bayrou le ministre s’est abstenu de tweeter.
Une dualité pas du tout schizophrénique, mais au contraire assez saine, pour Marielle de Sarnez :
« François Bayrou c’est aussi un homme public, c’est aussi un homme politique, c’est aussi un citoyen et il a le droit de s’exprimer sur Twitter en tant que tel. »