On a testé… « Monument Valley 2 », le retour du jeu vidéo mystique de l’iPhone
On a testé… « Monument Valley 2 », le retour du jeu vidéo mystique de l’iPhone
Par William Audureau
Le meilleur jeu smartphone de 2014 propose une suite ingénieuse et réussie, à défaut de surprendre autant que le premier opus.
Trois exemples de tableaux dans « Monument Valley 2 ». | Ustwo
Souvent le jeu vidéo est affaire de verbes. Dans Monument Valley 2, disponible sur l’AppStore depuis lundi 5 juin, il n’est question que d’avancer, atteindre, traverser. Une grammaire toute spatiale, pour la suite du meilleur jeu smartphone de 2014, et qui s’apparente comme son aîné à une succession de tableaux labyrinthiques envoûtants – autant de Rubik’s Cube maquillés en palais exotiques.
Le concept du titre tient tout entier en quelques mots, qui définissaient déjà le premier épisode : à vous de trouver la sortie de constructions impossibles inspirées du peintre hollandais M.C. Escher. Sans arme ni objet, mais juste avec un doigt et quelques leviers à actionner, il faut jouer des murs qui se contorsionnent, des échelles en trompe-l’œil ou encore des ponts qui enjambent. L’expérience va parfois jusqu’à l’ivresse pure de labyrinthes 3D imbriqués les uns dans les autres, et qui se dévoilent zoom après zoom, comme une toile psychédélique.
Prose spatiale
Monument Valley 2 s’inscrit ici dans une lignée de titres majeurs, qui ont fait du renversement des codes de la physique et de l’agencement spatial le cœur de leur expérience – des portails de téléportation de Portal à l’exploration d’un monde en quatre plans de Fez, en passant par les jeux de gravité de Super Mario Galaxy 2.
Monument Valley 2 Trailer
Mais à la différence de ces titres, il joue moins la carte de la transgression physique ou du pur puzzle que de l’émerveillement poétique. Dans l’aventure des Américains du studio Ustwo, les énigmes sont rarement bloquantes. Elles imposent surtout un mur d’incompréhension – le temps de saisir ce que le tableau a d’absurde dans sa construction spatiale – mais qui disparaît vite en quelques tâtonnements seulement. Les possibilités sont en effet suffisamment peu nombreuses pour que le joueur parvienne vite de lui-même à la solution.
Où le plaisir réside-t-il ? Est-ce dans le bref moment d’épiphanie qui accompagne la découverte d’un chemin ? Ou bien dans la découverte même de la beauté surréaliste de ces passages inespérés ? Un peu des deux à la fois, à la manière de ce tableau dont les arbres à cubes poussent à mesure que ceux-ci sont exposés à la lumière, des passerelles de fortune germant à mesure que disparaît l’obscurité.
Aventure initiatique
A cet égard, Monument Valley 2 appartient à cette race de jeux initiatiques, dont le récit est un parcours, les obstacles des symboles, et l’issue la métaphore d’un accomplissement, d’un travail sur soi. Il a en lui un peu de l’ésotérisme de Journey, de la solitude majestueuse d’Ico, de la douceur compassionnelle de Brothers. A l’image du principal ressort de cette suite, l’adjonction d’un second personnage, celui d’un enfant.
Souvent le jeu vidéo est affaire de verbes, disait-on. Durant les deux heures de l’aventure, il devient cette fois question de guider, de rejoindre, de se séparer, de se retrouver. Il convoque au passage des sentiments filiaux, inhabituels dans le jeu vidéo. Quitte parfois à en jouer de manière un peu trop insistante, à l’image d’une bande-son inutilement larmoyante, faite de pianos insistants et de violons peu discrets.
La nouvelle aventure du studio Ustwo peine parfois à se démarquer de la désormais longue liste de productions jouant du ressort de la collaboration et de l’empathie. Par sa médiatisation et sa notoriété, elle symbolise malgré tout l’essor ces dernières années de productions smartphones à l’ambition artistique. A défaut de surprendre autant qu’autrefois, le concept vaut toujours pour sa qualité d’exécution inattaquable et sa direction artistique unique, faite de couleurs pastels, d’encadrements et d’arabesques et de bruitages subtils et expressifs. Ou, tout simplement, par l’ingéniosité parfois vertigineuse de ses tableaux.
En bref
On a aimé :
- Les nœuds au cerveau
- Les tableaux ingénieux
- L’esthétique envoûtante
On n’a pas aimé
- Le mysticisme un peu cliché
- La bande-son larmoyante
- Un peu trop semblable au premier
C’est plutôt pour vous si…
- Vous aimez Escher (Maurits Cornelis, pas Stephan… Eicher)
- Vous aimez Ico et Journey
Ce n’est pas pour vous si…
- Vous avez déjà joué à tous les jeux indés du genre
La note de Pixels :
Tournicoti/tournicoton