Sécurité : le secteur aérien redoute les conséquences financières de nouvelles mesures
Sécurité : le secteur aérien redoute les conséquences financières de nouvelles mesures
LE MONDE ECONOMIE
Une interdiction générale des ordinateurs et tablettes en cabine pourrait coûter jusqu’à 2,5 milliards de dollars aux compagnies, selon l’IATA.
Tous les regards étaient tournés vers elles ! Mais les places réservées à la délégation du Qatar sont restées désespérément inoccupées lors de la 73e assemblée générale de l’Association internationale du transport aérien (IATA), organisée du 5 au 7 juin à Cancun (Mexique). Les délégués qataris, pourtant présents dans la station balnéaire du Yucatan, ont préféré la politique de la chaise vide. Akbar Al Baker, le PDG de Qatar Airways, est rentré précipitamment au Qatar, lundi 5 juin. Sans doute pour éviter de devoir répondre à d’éventuelles sollicitations des journalistes après que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, imités par quatre de leurs obligés (Yémen, Bahreïn, Egypte et Maldives) ont annoncé la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar.
Justement, à Cancun, les questions de sécurité et les menaces d’attentats terroristes ont dominé les débats. Des préoccupations fortes, mais des conséquences presque encore irréelles. En pratique, les dirigeants de l’IATA, qui regroupe environ 275 compagnies aériennes, ont chiffré le coût des mesures de sécurité supplémentaires qui sont réclamées à ces dernières. La facture globale d’une interdiction d’emporter à bord les ordinateurs et les tablettes électroniques pourrait s’élever à plus de 1,2 milliard de dollars, soit 1,06 milliard d’euros (surcoût de personnels, etc.), rien que sur les vols entre les Etats-Unis et l’Europe.
Si elle était généralisée, une telle mesure (décidée le 21 mars par les autorités américaines pour les passagers en provenance de dix aéroports de huit pays arabes et de la Turquie, puis par la Grande-Bretagne pour six pays) pourrait coûter jusqu’à 2,5 milliards de dollars au total aux compagnies aériennes. Alexandre de Juniac, ancien patron d’Air France-KLM, aujourd’hui directeur général de l’IATA, a déploré que des décisions soient prises « sans consultation avec l’industrie et avec un très court délai d’application ». En outre, les mesures voulues par l’administration américaine pourraient, selon lui, altérer à terme « la confiance » des passagers dans le secteur aérien.
Un effet négatif sur le trafic vers les Etats-Unis ?
« Si l’on met les ordinateurs en soute, il pourrait y avoir des problèmes avec les batteries », a déclaré au Monde Pekka Vauramo, PDG de la compagnie finlandaise Finnair. S’il affirme que « la sécurité est la chose la plus importante », il reconnaît que l’interdiction des ordinateurs en cabine déplaît aux passagers. « Nous avons remarqué quelques difficultés. »
A en croire M. de Juniac, le transport aérien, « c’est le business de la liberté ». « L’aviation, c’est la globalisation dans ce qu’elle a de meilleur. Rien ne devrait se mettre en travers de son chemin », a-t-il déclaré, lundi 5 juin. Outre l’impact financier, ces mesures auraient déjà un effet négatif sur le trafic vers les Etats-Unis, notamment depuis les « hubs » des compagnies du Golfe, au Qatar, à Dubaï ou encore à Doha. Une première estimation qui demande à être vérifiée. Selon certains, il n’y aurait pas eu de repli constaté du trafic passager depuis les pays alimentant ces plates-formes. Pour autant, l’IATA ne refuse pas de prendre sa part des mesures pour accroître la sécurité des vols. L’association demande la mise en place de systèmes de détection, notamment d’explosifs, aux portes d’embarquement. « La technologie existe déjà », a noté M. de Juniac.
Une bonne dynamique du transport aérien
Le directeur général ne veut surtout pas que le rebond du transport aérien soit remis en cause. Le secteur reste sur la bonne dynamique constatée en 2015 et en 2016. Les résultats « ont été meilleurs qu’espéré ». Pour la première fois, le nombre des passagers transportés devrait dépasser les quatre milliards en 2017. « Pour engranger encore plus de bénéfices, nous avons besoin de frontières ouvertes », plaide M. de Juniac. Et ce, alors que les indicateurs économiques, même en repli, sont encore tous au vert. L’IATA a ainsi revu à la hausse ses perspectives financières pour 2017.
Cette année, l’organisation prévoit que l’ensemble des compagnies aériennes devrait produire un bénéfice global de 31,4 milliards de dollars (près de 30 milliards d’euros). En baisse par rapport à 2016, quand il avait atteint 34,8 milliards de dollars. Le chiffre d’affaires global des compagnies aériennes devrait lui aussi reculer pour atteindre 743 milliards de dollars en 2017, soit un bénéfice moyen par passager de 7,69 dollars.
A l’examen, la bonne santé du transport aérien est portée par le retour à meilleure fortune de compagnies américaines qui « ont bénéficié du regain de leur économie et de la baisse des prix du pétrole », signale l’IATA. L’Europe et la région Asie Pacifique s’en sortent aussi très bien, remarque l’association. Toutefois, les bénéfices et les marges des compagnies de ces deux zones sont moitié moindres que celles des compagnies américaines.