Le chef du parti europhobe UKIP, Paul Nuttall, a annoncé vendredi 9 juin sa démission, tirant les conclusions des législatives au Royaume-Uni, lors desquelles son parti a perdu son unique siège. | LINDSEY PARNABY / AFP

Le parti europhobe UKIP a disparu du Parlement à l’issue des législatives au Royaume-Uni, entraînant la démission, vendredi 9 juin, de son chef, Paul Nuttall. Avec 1,9 % des suffrages et la perte de son seul siège de député, le UKIP se retrouve quasi rayé de la carte politique nationale, ne comptant plus que vingt députés européens et quelques représentants locaux.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web

Pour Karine Tournier-Sol, maître de conférences en civilisation britannique à l’université de Toulon, « c’est la victoire du Brexit qui a paradoxalement privé le parti eurosceptique de sa raison d’être ».

Comment expliquez-vous la disparition du parti UKIP au parlement ?

On assiste à une débâcle du UKIP mais cet effondrement était prévisible. Il est seulement surprenant par sa proportion. C’est la victoire du Brexit qui a paradoxalement privé le parti eurosceptique de sa raison d’être.

Depuis la victoire du Brexit au référendum, en juin 2016, le UKIP traverse une crise existentielle. Il a été privé de sa raison d’être et de son leader charismatique et emblématique Nigel Farage [qui a démissionné le 4 juillet]. Mais il a été aussi privé de son espace politique : le parti conservateur de Theresa May s’est réapproprié ses deux principales thématiques, à savoir le Brexit et l’immigration.

Même les travaillistes ont promis de mettre en œuvre le Brexit et de mettre fin à la libre circulation des personnes. Par conséquent, ni l’immigration ni le Brexit n’ont été un enjeu dans cette élection. Les électeurs pro-Brexit n’avaient donc aucune raison de voter pour le UKIP. Paradoxalement, le UKIP a été rendu caduc par le Brexit.

Pensez-vous que le parti ait encore un avenir ?

Cela va dépendre. Avec la démission de son chef, Paul Nuttall, il y a un risque d’implosion du parti et de résurgence de guerres de factions. Le fait qu’il n’y ait pas de leader naturel qui s’impose menace sa survie. L’avenir dépendra de la mise en œuvre du Brexit. Car depuis le référendum, le UKIP se présente comme le seul véritable garant du Brexit.

Les résultats des législatives montrent que les électeurs ne sont peut-être pas tous d’accord avec la mise en place d’un Brexit « dur ». Si une version modérée est finalement mise en place, le UKIP peut espérer récupérer un espace politique. D’ailleurs, en fonction de ce qu’il va se passer, Nigel Farage n’exclut pas de revenir sur la scène politique. Avec ces élections, Theresa May voulait asseoir son autorité pour renforcer sa position lors des négociations sur le Brexit. En fait, c’est bien le contraire qui s’est passé.

Pensez-vous que le départ en juillet de Nigel Farage, moins de deux semaines après la victoire du Brexit au référendum, a été déterminant dans l’effondrement du parti ?

Nigel Farage était clivant mais populaire auprès de certains électeurs. Si on regarde la couverture médiatique des législatives de 2015, avec Nigel Farage à la tête du parti, et celles de 2017, avec Paul Nuttall, cela n’a rien à voir. Farage était beaucoup plus charismatique et, de fait, le UKIP a été beaucoup moins audible lors de ces dernières législatives. Mais c’est aussi parce qu’il a perdu sa principale politique avec le Brexit.

Sans le Brexit, le parti europhobe n’a-t-il finalement plus sa place ?

Le UKIP a été créé en 1993 pour faire sortir le Royaume-Uni de l’union européenne. Par la suite, il a étoffé son programme mais cela reste la colonne vertébrale du parti, le cœur même de son existence.

Si le Brexit « dur » est mis en place, ça va être compliqué pour le UKIP d’exister. Il faudrait que le parti arrive à trouver une nouvelle orientation politique, de nouveaux objectifs. Pour le moment, les négociations sur le Brexit n’ont toujours pas commencé. Comme je l’ai dit, si le gouvernement conservateur de Theresa May adopte une approche plus modérée à la suite de ces élections législatives, alors le UKIP pourrait en bénéficier. Paradoxalement, moins le Brexit pour lequel il a milité depuis sa création sera « dur », plus le UKIP aura des chances de survivre.