Quinquennat Hollande : "Le Monde" dévoile les coulisses de la République
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Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au Monde, ont réalisé soixante entretiens avec le chef d’Etat français, du 3 avril 2012 – avant son élection – au 25 juillet 2016. Chaque rencontre s’est déroulée selon un protocole strict, avec des conditions acceptées dès le départ par le président : ses conseillers ne seraient pas présents, tous les entretiens seraient enregistrés et aucun propos ne serait relu ni modifié avant publication. Le Monde a choisi six moments forts du quinquennat, appuyé à chaque fois sur un document. Un livre, Un président ne devrait pas dire ça…, sera publié le 12 octobre chez Stock.

  • Le jour où… François Hollande a imposé la loi travail

Ce dimanche 8  mai 2016 doit se tenir à l’Elysée, à 19  heures, la réunion cruciale, celle qui décidera de l’utilisation de l’article 49.3 pour imposer la loi travail au Parlement. La tension est à son comble : les manifestations ne faiblissent pas et le conflit avec les frondeurs atteint son paroxysme. « Je n’ai jamais pensé qu’on était en face d’un mouvement puissant », confie le président aux journalistes du Monde, trois jours plus tard. Tout en reconnaissant des erreurs de communication : «  On a été, je me mets dedans, au-delà de ce qu’on savait pouvoir être accepté par la CFDT. Cela a braqué. Et la menace du 49.3 a été très malencontreuse. »

  • Le jour où… François Hollande a limogé Jean-Marc Ayrault

Jean-Marc Ayrault, le 1er avril 2014, lors de la cérémonie de passation de pouvoir avec Manuel Valls à Matignon. | Benoit Tessier / Reutersa

C’est une courte lettre de démission, dactylographiée, que reçoit le 31 mars 2014 François Hollande. Non pas des mains du premier ministre lui-même, comme le veut la tradition républicaine, mais de son chef de cabinet. Quelques mots seulement ont été ajoutés à la plume : « Mes sentiments dévoués ». Les élections municipales viennent de donner des résultats catastrophiques pour la gauche, mais le destin de Jean-Marc Ayrault était scellé depuis bien longtemps. « Fin novembre  2013, la question du remplacement d’Ayrault s’était déjà posée, et, avec Manuel Valls, j’avais déjà évoqué cette hypothèse, révèle le chef de l’Etat. On avait calculé le 7 décembre. »

Découvrir les coulisses de cette démission : Le jour où… François Hollande a limogé Jean-Marc Ayrault
  • Le jour où… Obama a laissé tomber Hollande

Les présidents Hollande et Obama, à Washington, le 24 novembre 2015. | JONATHAN ERNST / REUTERS

Tout est prêt, ce vendredi 30 août 2013, pour que la France lance des frappes aériennes en Syrie. Ne manque plus que l’aval des Etats-Unis. A 18 h 05, la ligne sécurisée qui relie l’Elysée à la Maison Blanche est ouverte. Un appel historique entre Barack Obama et François Hollande qui pourrait déclencher, en quelques minutes, l’ordre de lancer les frappes. Mais, au dernier moment, le président américain recule. Une « frustration » que François Hollande n’a pas fini de ruminer. S’il y avait eu des frappes, « le régime aurait été affaibli, l’opposition plus forte, et Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique] ne serait pas apparu comme ça, même s’il existait déjà en Irak », a plus tard assuré le président français aux journalistes du Monde.

Lire le récit de ces discussions : Le jour où… Obama a laissé tomber Hollande
  • Le jour où… Poutine a rencontré Porochenko en France

C’est une photo des archives de la présidence de la République, mise au secret pendant deux ans. Elle y montre Vladimir Poutine et Petro Porochenko, les deux présidents ennemis, russe et ukrainien, que François Hollande et Angela Merkel ont réussi à réunir le 6 juin 2014 au château de Bénouville (Calvados). Un cliché qui résume à lui seul le conflit ukrainien et l’intervention du duo Hollande-Merkel pour le désamorcer. Mais qui n’était pas prévu… « A un moment, je vois Merkel se lever, et elle appelle le photographe de l’Elysée », raconte plus tard François Hollande à Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Vladimir Poutine, glacial, « ne voulait pas de photo, parce que c’était la reconnaissance officielle de l’élection de Porochenko », poursuit François Hollande. La chancelière allemande réussira finalement à le convaincre, marquant l’épilogue d’une sorte de guet-apens diplomatique organisé par François Hollande.

  • Le jour où… Taubira a failli créer un scandale d’Etat

Christiane Taubira, le 12 mars 2014, alors ministre de la justice, lors d’un point presse pendant lequel elle affirmait n’avoir jamais été informée du détail des écoutes Sarkozy. | © Philippe Wojazer / Reuters / REUTERS

La garde des sceaux a été accusée en mars 2014 d’avoir eu connaissance des écoutes ordonnées par la justice sur Nicolas Sarkozy. Et si l’Elysée avait disposé des retranscriptions des écoutes ? L’affaire sent le scandale d’Etat. François Hollande tente de reconstituer la chronologie de toute l’histoire, se fait communiquer tous les éléments nécessaires, pour comprendre qui a su quoi, et quand. S’assurer qu’aucune faute n’a été commise, notamment par la garde des sceaux. « Taubira n’est pas rigoureuse, soupire Hollande le 13 mars, en rencontrant les journalistes du Monde. Ce qu’elle cache, c’est le fait qu’elle n’a pas suivi avec méticulosité cette histoire ! »

  • Le jour où… Hollande a préparé sa réélection

Le 1er octobre 2015, le président français reçoit à l’Elysée le « spin doctor » Alastair Campbell, l’homme à qui Tony Blair doit, dit-on, sa carrière. Un conseiller en communication d’élite, devenu une légende outre-Manche. A un François Hollande plombé par une impopularité record, il va prodiguer ses conseils dans une note, en vue de la prochaine élection présidentielle. Par exemple : « Vous devez revenir sur le rôle de Sarkozy et sa part dans les défaillances auxquelles vous devez remédier. » Le chef d’Etat approuve. Mais préfère attendre pour utiliser cette carte. « C’est un propos de candidat, ce n’est pas un propos de président », confie-t-il à Gérard Davet et Fabrice Lhomme.

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