A Carhaix, « Richard Ferrand, on ne le voit que quand il y a des élections »
A Carhaix, « Richard Ferrand, on ne le voit que quand il y a des élections »
Par Jérémie Lamothe (Carhaix, envoyé spécial)
Dans la sixième circonscription du Finistère où il se représente, le ministre de la cohésion des territoires est en difficulté à cause notamment de l’enquête préliminaire ouverte contre lui.
Le ministre de la cohésion des territoires, Richard Ferrand, à la sortie de son bureau de vote dimanche 11 juin à Motreff (Finistère). | FRED TANNEAU, FRED TANNEAU / AFP
C’est sous une pluie fine, vers 8 h 15 dimanche 11 juin, que le ministre de la cohésion des territoires, Richard Ferrand, est venu voter dans la mairie de la petite commune de Motreff (730 habitants). Sous l’œil des caméras et des nombreux journalistes présents, le député sortant de la sixième circonscription du Finistère est reparti au volant de sa voiture quelques minutes plus tard, mâchoire serrée, sans dire un mot.
M. Ferrand joue gros lors de ces élections législatives où il est opposé à treize autres candidats. Elu député pour la première fois en 2012 sous la bannière du Parti socialiste, et investi cette année par La République en marche, sa réélection est en effet loin d’être acquise alors que la victoire lui était prédite il y a encore quelques semaines. D’autant plus qu’il devra démissionner de son poste au gouvernement en cas de défaite lors de ces élections, selon la règle imposée par Emmanuel Macron.
Le député sort affaibli de cette campagne au cours de laquelle une enquête préliminaire a été ouverte contre lui après des révélations du Canard enchaîné et du Monde sur le mélange de ses affaires entre vie publique et vie privée, notamment lorsqu’il était directeur général des Mutuelles de Bretagne.
« Ce n’est pas Fillon numéro 2 »
Mais à Motreff, on fait encore confiance à M. Ferrand. Marie n’a ainsi « jamais douté » du secrétaire général de La République en marche. « Je le trouve très bien, il a rendu beaucoup de services à des gens de la circonscription. Je serais déçue s’il ne passait pas », explique-t-elle après avoir glissé un bulletin pour M. Ferrand dans l’urne. D’ailleurs, Marie, qui avait jusqu’ici « toujours voté socialiste » ne croit pas à ces affaires : « Ce n’est pas Fillon numéro 2. Il a toujours été impeccable. »
Avant d’aller à la pêche, Raymond, 68 ans est également venu voter tôt ce dimanche matin dans la mairie de la petite commune bretonne. Lui aussi « les affaires ça ne [l’]intéresse pas. Ce n’est pas très important ». Et s’il ne veut pas dire pour qui il a donné sa voix, il est « fier qu’un gars du coin » comme M. Ferrand ait pu être nommé ministre sous le gouvernement d’Edouard Philippe.
Le ton est moins conciliant à quelques kilomètres de là, à la sortie des Halles de Carhaix (Finistère), où se trouvent cinq des sept bureaux de vote de la ville. Madeleine vient de donner sa voix au maire de Carhaix, le régionaliste Christian Troadec. « J’ai toujours voté pour lui, il sait écouter les gens d’ici, il les respecte. Et il a fait de belles choses pour la ville », assure l’aide-ménagère de 65 ans. Et elle n’a d’ailleurs jamais vraiment apprécié Richard Ferrand. « Je le connais depuis longtemps, il méprise les gens d’ici. On ne le voyait jamais, déplore-t-elle. C’est pourtant grâce à la Bretagne centrale qu’il est si haut. Après Fillon, que j’aimais bien et que je trouvais raisonnable, ça fait beaucoup… ».
Quand les premières informations sur ces affaires sont sorties dans la presse fin mai, ça lui « a fait quelque chose », à Farida, qui trouve malgré tout que l’élu d’origine aveyronnaise est « un bon député ». Elle trouve d’ailleurs des circonstances atténuantes à Richard Ferrand.
« A l’époque, il y a des choses qui étaient acceptées qui ne le sont plus aujourd’hui. Les gens sont devenus moins tolérants. Mais comme pour François Fillon, les médias en ont trop fait. Dès qu’un politique devient important on s’attaque à lui, c’est dommage. »
« Il aurait dû démissionner du gouvernement »
Alors que les cloches de l’église de Carhaix résonnent dans la ville, signifiant la fin de la messe dominicale en cette mi-journée, Cédric sort du bureau de vote. Son choix s’est porté sur M. Troadec, édile de la ville depuis 2001. Il comptait voter pour Richard Ferrand, mais les affaires et l’enquête ouverte ont tout changé.
« J’ai été un peu troublé, reconnaît-il. Le président avait dit qu’il voulait changer tout ça, mais en fait on se retrouve avec les mêmes problèmes. » Alors qu’il a voté pour Emmanuel Macron aux deux tours de l’élection présidentielle, le moniteur d’auto-école de 39 ans apprécie le début du quinquennat du nouveau président.
« Il veut bien faire et tente beaucoup de choses. Il segmente bien sa communication, il ne parle que quand c’est important, il laisse ses ministres faire. Il tente de prendre de la hauteur, du recul, c’est bien. » Mais il craint maintenant que tout soit « gâché » par les révélations concernant le ministre de la cohésion des territoires : « On verra ce que dit la justice mais si ça devient gros, ça sera du grand gâchis. Pour moi, c’est pareil que Fillon ou Le Pen. Ils se sentent au-dessus des lois, c’est toujours ces petites combines. »
Après avoir tenu le bureau de vote ce dimanche matin, Monique a aussi donné sa voix au maire de Carhaix, Christian Troadec. « Il est très actif pour la ville, le Centre Bretagne. Alors que Ferrand on ne le voit que quand il y a des élections », affirme-t-elle. Avec les révélations et l’enquête préliminaire ouverte, elle espère ainsi que le ministre de la cohésion des territoires « ne passera pas ».
« C’est pas forcément illégal, mais c’est immoral ce qu’il a fait. J’espère que ça va influencer le vote des gens. Quand on est au gouvernement, il faut être irréprochable. Là c’est un peu “Faites ce que je dis, pas ce que je fais”. Il aurait dû démissionner du gouvernement. »
Si vous n’avez rien suivi à l’affaire Richard Ferrand
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