Dans le Nord, même les bastions socialistes semblent vaciller
Dans le Nord, même les bastions socialistes semblent vaciller
Par Laurie Moniez (Lille, correspondance)
A Villeneuve-d’Ascq, la candidature d’En marche ! menace celle de la députée PS sortante, Audrey Linkenheld.
A tout juste 18 ans, Adrien vient de voter pour la première fois. #circo5902 https://t.co/s6TsdltQPu
— lmoniez (@Laurie Moniez)
A Villeneuve-d’Ascq, seize candidats s’affrontent pour le premier tour des législatives, dimanche 11 juin, dans la 2e circonscription de la métropole lilloise. Terre socialiste, l’ancien territoire de Bernard Derosier (député de 2007 à 2012) a été facilement gagné par la députée sortante PS Audrey Linkenheld en 2012. Avec 40,44 % au second tour, l’adjointe de Martine Aubry, alors peu connue sur ce secteur partagé entre Lille, Villeneuve-d’Ascq, Mons-en-Barœul, Lezennes, et Ronchin, a depuis gagné ses galons d’élue locale. Sa réputation ? Etre une bosseuse.
Classée 24e sur 577 députés en termes de présence à l’Assemblée nationale, l’élue affiche un bilan substantiel, notamment dans le domaine du logement. Linkenheld la bosseuse, appréciée sur le terrain, aurait donc dû être sereine aujourd’hui… Mais voilà, La République en marche (LRM) est passée par là. Au bureau 220 du quartier Château à Villeneuve-d’Ascq, Audrey Linkenheld affiche un visage grave. « Tout est ouvert, dit-elle. Malgré le travail fourni, c’est parfois difficile de s’entendre dire qu’on a été une très bonne députée mais qu’on peut faire un autre choix lié au contexte national. » Veste rose fuchsia sur le dos, la députée salue les citoyens venus se déplacer au bureau 220, dans un quartier plutôt CSP +.
A midi, la participation était de 22,35 %. A 14 heures, elle était de 32,1 %. « Au premier tour de la présidentielle, Mélenchon était arrivé en tête avec 31,65 %, suivi de Macron avec 25,3 % et Le Pen à 15,9 % », explique l’adjointe villeneuvoise Dominique Furne, présidente du bureau de vote. Combien d’électeurs vont voter pour la députée socialiste sortante aujourd’hui ? Vaste question. « Les électeurs disent ’’on veut des députés qui travaillent et qui sont sur le terrain’’ et pourtant, il y a plein de gens qui m’assimilent à la situation nationale », et qui vont voter LRM. « Ça rend humble !, sourit la députée sortante, âgée de 43 ans, même si je l’étais déjà. Ce soir, rien ne me surprendra. »
Devant le bureau 220, sous un soleil radieux, les paroles d’électeurs divergent. « Je ne sais pas encore pour qui je vais voter », confie Bernard, 76 ans. Ce retraité de l’informatique dans le textile a voté Fillon, puis Macron à la présidentielle. Il avait prévu de donner une majorité au président de la République. « Mais avec la candidate LRM qui a un problème, je ne sais plus ». Houmria Berrada, 34 ans, ancienne cadre du PS dans le quartier de Fives à Lille, candidate LRM dans la 2e circonscription, vient d’être lâchée par son suppléant centriste, Christian Carnois.
« C’est du foutage de gueule ! »
Il y a une dizaine de jours, la presse locale a révélé qu’elle avait été condamnée en mars 2011 à huit mois de prison pour faux et usage de faux. Elle a tenté d’entrer à l’école d’avocat de Lille en 2010 avec un faux diplôme. Le président de l’école avait alors déposé plainte contre elle. « Pour moi, déjà, c’était sûr de ne pas voter pour En Marche !, lance Jean-Philippe, Villeneuvois de 46 ans, mais là, c’est du foutage de gueule ! Pour un parti qui se voulait plus blanc que blanc ! »
Dégoûté par la politique, Jean-Philippe repart sous le soleil, sans dire pour qui il a voté. « Plutôt de droite », lance-t-il. Victor Burette, 28 ans, vient, lui, de glisser un bulletin de vote PS « sans aucune hésitation ». « Audrey Linkenheld est une députée qui a fait ses preuves. » Le jeune homme est secrétaire de la section PS de Villeneuve-d’Ascq… Sephora Denfer, 23 ans, hésite encore entre « Hamon et Mélenchon ». L’étudiante en sociologie ne connaît pas le nom des candidats locaux. Après avoir voté Mélenchon, puis Macron « par dépit » à la présidentielle, la jeune femme ne veut pas donner de majorité à Edouard Philippe, le premier ministre.
A tout juste 18 ans, Adrien Vantieghem hésitait. « C’est dur de faire un choix, explique le lycéen en terminale ES. Il y a plein de partis, plein de possibilités. Mais j’ai regardé les programmes. » En short et baskets, ce jeune électeur a tranché : « C’est bien que Macron soit passé par rapport à Le Pen à la présidentielle, mais c’est dommage pour Mélenchon. Alors… » Alors pour son premier vote, il a choisi Ugo Bernalicis, le candidat de La France insoumise.