La place des femmes à l’Assemblée nationale de 1936 à 2012
La place des femmes à l’Assemblée nationale de 1936 à 2012
LE MONDE IDEES
Des suffragettes aux lois sur la parité, retour sur quatre-vingts ans de lutte en faveur de l’égalité hommes-femmes au Palais-Bourbon.
En juin 1936, malgré la nomination par Léon Blum de trois femmes au gouvernement, l’Assemblée nationale ne compte aucune élue | Keystone France
En 1936, ni droit de vote ni droit d’éligibilité
En 1936, les Françaises ne peuvent ni voter ni se faire élire. Pourquoi ce retard, alors qu’en Allemagne et au Royaume-Uni, les femmes y ont droit depuis 1918 ? Le Sénat français bloque, depuis 1919, les propositions de loi des députés leur accordant le droit de vote. Pour tenter d’infléchir leur position, les suffragettes multiplient les actions spectaculaires. Le 2 juin 1936, après les élections législatives remportées par le Front populaire, les militantes de La Femme nouvelle, association fondée par la pro-européenne Louise Weiss, apportent ainsi aux sénateurs des chaussettes sur lesquelles est inscrit : « Même si vous nous donnez le droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées. » Le 4 juin, Léon Blum nomme trois femmes sous-secrétaires d’Etat, dont Irène Joliot-Curie à la recherche scientifique. Le 30 juillet, la Chambre adopte à l’unanimité une proposition octroyant le droit de vote aux femmes, mais le Sénat refuse de l’inscrire à l’ordre du jour.
Marie-Claude Vaillant-Couturier, députée communiste de 1946 à 1958, réélue quatre ans plus tard. Ici en 1963. | Gérald Bloncourt
En 1945, les femmes entrent à l’Assemblée
Le 21 avril 1944, une ordonnance du général de Gaulle « portant organisation des pouvoirs publics en France après la Libération » dispose que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Lors des législatives du 21 octobre 1945, les Françaises votent pour la première fois dans l’histoire de la République, réalisant le vœu d’Olympe de Gouges, auteure d’une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791. En 1945, 33 femmes entrent à l’Assemblée constituante : 17 communistes, 9 du Mouvement républicain populaire, 6 socialistes et une du Parti républicain de la liberté. Parmi elles figurent plusieurs résistantes : Rachel Lempereur, une socialiste qui sera députée du Nord de 1945 à 1958 ; Marie-Claude Vaillant-Couturier, une communiste qui a été déportée en 1943 et qui sera députée de la Seine de 1946 à 1958, puis de 1962 à 1967 ; Marie-Madeleine Dienesch, une gaulliste qui deviendra la première vice-présidente de l’Assemblée nationale sous la Ve République. Le 19 octobre 2016, des plaques en leur honneur ont été apposées au Palais-Bourbon.
En 2002, le taux de députées s’élève à 12,3 %. | Joël Saget/AFP
En 2002, la loi paritaire peu suivie d’effets
De 1945 à 2000, les femmes sont sous-représentées au Parlement. En 1997, l’Assemblée nationale compte seulement 10,9 % de femmes, le Sénat 5,6 %. Pour combler ce retard, une loi « relative à l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », dite « loi sur la parité », est adoptée en 2000. Elle réduit l’aide publique des partis politiques qui ne respectent pas la parité : la baisse des subventions est égale à la moitié de l’écart hommes-femmes parmi les candidats. Si un parti présente 30 % de femmes et 70 % d’hommes, la réduction s’élève ainsi à 20 %. Lors des élections de 2002 à l’Assemblée nationale, 39 % des candidats en lice sont des femmes – surtout parmi les petits partis et à gauche –, mais peu sont élues : 12,3 % contre 10,9 % en 1997. Directrice de recherche CNRS au Cevipof, Mariette Sineau parle d’une « augmentation dérisoire ». L’addition est lourde à l’UMP, le parti le moins respectueux des règles paritaires, qui se voit infliger une pénalité d’environ 4 millions d’euros, représentant 15 % de son financement public.
En avril 2013, l’Assemblée nationale compte 155 députées. | Martin Bureau/AFP
En 2012, un quart de femmes élues
Afin de renforcer la présence des femmes à l’Assemblée, la loi du 31 janvier 2007 durcit les règles de financement public des partis pour les législatives : elle porte le taux de diminution de l’aide de 50 % à 75 % de l’écart hommes-femmes parmi les candidats. Si un parti présente 30 % de femmes et 70 % d’hommes, le financement sera désormais diminué de 30 %. Ces règles applicables aux élections de 2012 contribuent à féminiser le Palais-Bourbon. Les femmes, qui représentaient 18,5 % des élus en 2007, passent à 26,9 % (155 femmes sur 577 députés). Cette année-là, le PS compte 104 femmes élues sur 280 (37,1 %). L’UMP est loin derrière : 27 femmes pour 188 députés (14,4 %). EELV compte 9 femmes sur 18 élus (50 %). La France est alors au 34e rang mondial du point de vue de la féminisation des assemblées parlementaires. A titre comparatif, en 2014, la Suède comptait 45 % de députées, l’Espagne 39,7 %, l’Allemagne 37 %, la Suisse 31 % et la Tunisie 28,1 %.
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