Soupçons de détournements de fonds au Sénat : la justice suspend l’enquête
Soupçons de détournements de fonds au Sénat : la justice suspend l’enquête
Le Monde.fr avec AFP
Les juges s’intéressent à des sommes importantes remises à des sénateurs, en plus de leurs indemnités légales. Sept ont déjà été mis en examen.
Le drapeau tricolore est placé à côté d’un statue qui symbolise la sagesse dans le Palais du Luxembourg, qui héberge le Sénat. | LIONEL BONAVENTURE / AFP
La cour d’appel de Paris a récemment suspendu l’enquête sur des soupçons de détournements de fonds publics entre 2009 et 2014, qui vise plusieurs élus ou anciens élus de l’ex-UMP au Sénat, a appris, jeudi 22 juin, l’Agence France-Presse (AFP) auprès de sources proches du dossier.
Le 14 juin, le président de la chambre de l’instruction de Paris a ordonné au magistrat instructeur de suspendre son enquête dans l’attente que la cour d’appel se prononce sur les recours de certains mis en cause pour faire annuler leurs mises en examen, selon cette source.
Ces derniers mois, l’enquête s’était accélérée avec les mises en examen de sept sénateurs ou anciens élus de la Chambre haute, notamment Les Républicains (ex-UMP) Jean-Claude Carle, ex-trésorier du groupe UMP sénatorial, et Henri de Raincourt, ex-président du groupe. L’ancien sénateur Pierre Martin et Bruno Sido, élu de la Haute-Marne, ont, eux aussi, été mis en examen pour « recel de détournements de fonds publics » respectivement les 26 avril et 16 mai. Trois autres ont par ailleurs été placés récemment sous le statut intermédiaire de témoin assisté.
« Une pratique ancienne »
Les juges s’intéressent à des sommes importantes remises à des sénateurs, en plus de leurs indemnités légales, depuis deux comptes du groupe de l’ex-UMP, et par le biais de deux associations, le Cercle de réflexion et d’études sur les problèmes internationaux et l’Union républicaine du Sénat (URS), un sous-groupe rallié par d’anciens giscardiens et centristes à la fondation de l’UMP en 2002. Toutes deux ont été alimentées par des fonds du groupe sénatorial et, notamment pour l’URS, à hauteur de 400 000 euros entre 2009 et 2012.
« L’affaire met en cause une pratique ancienne, par laquelle le groupe versait des compléments d’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) à ses membres pour les soutenir dans leurs actions politiques locales et nationales », avait justifié, en janvier, René Garrec dans un communiqué. Il y évoquait un « système (…) très ancien », qui a « fonctionné à la vue et au su de tous, au profit de plusieurs générations de sénateurs ».
« Disposer librement de fonds publics »
L’avocat de Jean-Claude Carle et d’Henri de Raincourt a saisi la chambre de l’instruction pour lui demander d’annuler leur mise en examen ainsi que celle de trois autres élus tout en réclamant la suspension des investigations.
Dans cette requête, déposée le 21 avril, les mis en cause contestent toute irrégularité. Ils mettent notamment en avant le principe d’autonomie, garanti par la Constitution, en vertu duquel les groupes parlementaires « disposent librement des fonds publics qu’ils reçoivent », selon une source proche du dossier.
Ils soutiennent également que la qualification pénale de détournement de fonds public est applicable aux personnes « chargées d’une mission de service public », mais pas aux parlementaires, qui, eux, sont investis d’un « mandat électif ».