Sélection albums : Alexandre Kantorow, Phoenix et Lorde
Sélection albums : Alexandre Kantorow, Phoenix et Lorde
A écouter cette semaine : un jeune pianiste d’une rafraîchissante maturité ; une electro-pop solaire et éprise d’Italie ; des hymnes pop mélodramatiques.
- A la russe
Sonate nº 1 op.28, de Rachmaninov. Méditation et Passé lointain (extraits 18 morceaux op.72), de Tchaïkovski. L’Oiseau de feu (Danse infernale. Berceuse et Finale), de Stravinsky. Scherzo à la russe, de Tchaïkovski. Islamey, de Balakirev.
Alexandre Kantorow (piano)
Pochette de l’album « A la russe », avec Alexandre Kantorow au piano. | BIS SACD
A 20 ans tout rond, le jeune Alexandre Kantorow nous livre un disque d’une rafraîchissante maturité (les mots sont pesés). Le programme, très finement organisé, mêle intelligemment pièces peu connues et grands tubes. Puissance, rondeur, legato, le Français possède un jeu profond et riche, virtuose sans esbroufe, sensuel sans sentimentalisme, une personnalité capable de véritablement penser la musique. Renversante Sonate nº 1 de Rachmaninov, où transparaît, au travers d’un gigantisme démiurgique, la patine d’une nostalgie brahmsienne, tandis que les trois parties de L’Oiseau de feu stravinskien, dans la remarquable transcription de Guido Agosti, déroule leur magistrale chorégraphie, l’esprit même de la danse. Les pièces de Tchaïkovski, moins connues, nonobstant le vibrionnant Scherzo à la russe, se révéleront le lieu privilégié de la poésie, notamment dans le troublant Passé lointain, extrait des 18 morceaux op.72. Quant au très couru Islamey de Balakirev, cheval de bataille orientaliste des plus grands, le fils du violoniste Jean-Jacques Kantorow n’a strictement rien à leur envier. Marie-Aude Roux
1 CD Bis SACD.
- Phoenix
Ti Amo
Pochette de l’album « Ti Amo », de Phoenix. | ATLANTIC/WARNER MUSIC
Un des dix titres du sixième album de Phoenix a beau s’intituler Goodbye Soleil, la première écoute de Ti Amo fait un peu le même effet que d’ouvrir les yeux en pleine journée d’été après un séjour prolongé dans la pénombre. La brillance ostentatoire de l’instrumentation, l’euphorie démonstrative des mélodies piquent d’abord les oreilles comme le feraient une trop agressive luminosité sur les yeux. Puis les sens finissent par s’habituer à cette vivacité balnéaire, à percevoir, au-delà des couleurs criardes, les jeux sensuels d’une pop radieuse, à l’anglophonie pimentée de latinité (même si les premiers textes de Thomas Mars en italien et en français ne semblent pas avoir beaucoup plus de signification qu’en anglais). J-Boy, Ti Amo, Tutti Frutti, Lovelife et son gimmick de synthé sautillant ou le langoureux Role Model constituant une bande-son crédible pour une boum autour d’une piscine. Stéphane Davet
1 CD Atlantic/Warner Music.
- Lorde
Melodrama
Pochette de l’album « Melodrama », de Lorde. | UNIVERSAL MUSIC NEW ZEALAND
Révélée en 2013 avec la chanson Royals, entêtante mélodie pop-électro qui contribua au succès d’un premier album, Pure Heroine, la chanteuse néo-zélandaise Lorde revient avec un nouvel opus, Melodrama. Voix traînante par endroits, un peu dans la manière de Lana Del Rey, joueuse ailleurs, pas loin de Björk à ses débuts pop, avec un traitement rythmique souvent minimaliste que viennent nourrir des stries de cordes, des superpositions chorales comme dans Sober, Writer in the Dark ou Perfect Places, celles pratiquées par Kate Bush, dont le timbre de Lorde est à ces moments assez proche. Ce qui donne un ensemble situé entre une relative expérimentation (The Louvre, Hard Feelings/Loveless) et des développements plus directs, tels la partie hymne pop de Green Light ou de Perfect Places. Au cœur du disque, avec Liability, voix naturelle, accompagnée d’un piano, Lorde fait entendre une émotion. Sylvain Siclier