Bruxelles punit Google d’une amende record
Bruxelles punit Google d’une amende record
LE MONDE ECONOMIE
Le comparateur de prix de l’américain était accusé d’abus de position dominante.
Margrethe Vestager, commissaire à la concurrence, avait adressé un acte formel d’accusation à l’encontre de Google le 15 avril 2015. | JOHN THYS / AFP
Après sept longues années d’enquête, la Commission européenne sort enfin le carton rouge contre Google. Le géant américain devait se voir condamner à une amende record, d’un montant situé entre 1 et 2 milliards d’euros, dès mardi 27 juin, pour abus de position dominante. La dernière amende européenne record pour ce type d’enquêtes, 1,06 milliard d’euros, avait été prononcée en 2009 et visait Intel, le géant américain des semi-conducteurs.
C’est le service en ligne Google Shopping (un comparateur de prix) que ciblent les services de la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager. L’énergique danoise avait adressé un acte formel d’accusation à l’encontre du géant californien le 15 avril 2015, quelques mois seulement après son entrée en fonctions, en novembre 2014.
Dans un « additif » à cet acte d’accusation, rendu public à l’été 2016, à la suite de la collecte de preuves supplémentaires, Mme Vestager estimait que « Google a abusé de sa position dominante en favorisant systématiquement son propre service de comparaison de prix dans ses pages de résultats de recherche générale ». « Google a élaboré de nombreux produits innovants qui ont changé le cours de nos vies. Cela ne lui donne pas pour autant le droit de priver les autres entreprises de la possibilité de la concurrencer et d’innover », avait alors ajouté la commissaire.
Le groupe est visé par deux autres actes d’accusation de la Commission
Au début des années 2010, Google Shopping s’appelait Froogle et fonctionnait comme un comparateur de prix classique. A la manière d’un Kelkoo ou d’un Guide.com, Froogle faisait apparaître les produits les moins chers des marchands, allant lui-même chercher les bonnes réponses sur le Web. En 2012, Google rebaptise son service Google Shopping et y applique son modèle publicitaire classique fondé sur les AdWords, ces liens sponsorisés qui apparaissent dans les résultats de recherche à partir des requêtes effectuées par les internautes.
Dans Google Shopping, les annonceurs paient pour faire remonter leurs produits, qui ne s’affichent que lorsqu’ils correspondent aux requêtes des internautes. Ainsi, si le consommateur cherche une boîte de Lego Star Wars, apparaissent les offres de Toys’R’Us, Cdiscount… L’espace n’est pas fermé aux comparateurs classiques de prix, qui peuvent comme les marchands apparaître dans Google Shopping en mettant en avant des produits. Mais ils se sont plaints d’être moins bien traités que les marchands dans les résultats de recherche.
Google s’est toujours défendu de léser la concurrence, arguant qu’il subit celle, très intense, des marchands en ligne, notamment celle d’Amazon. Le groupe est visé par deux autres actes d’accusation de la Commission, l’un concernant « AdSense » – les offres de publicité contextualisées (en rapport avec le contenu du site Web) que le groupe américain propose à des sites tiers utilisant son moteur de recherche. L’autre, jugé encore plus sérieux, vise Android, le système d’exploitation pour smartphones ultra-dominant du groupe américain.
Mise en place progressive
Au-delà de l’amende, qui pèse peu au regard des résultats du groupe en 2016 (80,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 17,8 milliards d’euros de profits), ce sont les mesures correctives imposées à Google que vont scruter les spécialistes et les multiples plaignants du groupe. Selon une source proche du dossier, la Commission et Google devraient commencer à discuter de ces changements juste après la publication de la décision. Bruxelles pourrait proposer une mise en place progressive avec peut-être des systèmes d’astreintes.
Ce nouvel épisode décisif du bras de fer entre Google et la Commission risque de tendre encore un peu les relations entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Comment réagira le président Trump, alors que, du temps d’Obama, l’administration de Washington n’hésitait déjà pas à accuser l’Europe de protectionnisme ?
Devenue une figure de Bruxelles, Mme Vestager démontre encore une fois qu’elle n’a pas froid aux yeux. Elle aurait pu prolonger la méthode de son prédécesseur, le commissaire espagnol Joaquin Almunia, tenter la conciliation à tout prix. Elle a préféré la manière forte. Prochain dossier ultra-délicat sur son bureau : celui de Gazprom, le géant gazier russe, lui aussi sous le coup d’une enquête pour abus de position dominante, mais engagé dans une procédure de conciliation avec Bruxelles.