« Sans pitié » : un polar coréen viriliste
« Sans pitié » : un polar coréen viriliste
Par Mathieu Macheret
Le jeune réalisateur Byun Sung-hyun s’applique davantage à en mettre plein la vue qu’à soigner son scénario.
La reconnaissance du cinéma de genre sud-coréen, à la suite de la découverte des films de Bong Joon-ho (Memories of Murder, The Host), et le succès français de titres plus récents, comme Dernier train pour Busan, de Yeon Sang-ho, ont ouvert la voie à un afflux restreint mais constant de ces productions qui oscillent souvent entre une exubérance bienvenue et un tapage épuisant. Dernier échantillon en date, Sans pitié, troisième long-métrage du jeune Byun Sung-hyun (né en 1980), s’inscrit dans l’illustre lignée du polar d’infiltration, qu’il entend tremper dans un bain de jouvence.
En prison, le caïd Jae-ho (Sul Kyung-gu) règne sur le commerce de cigarettes, quand débarque Hyun-sun (Yim Si-wan), un jeune chien fou dont il apprécie tout de suite la sauvagerie, sans se douter qu’il s’agit d’un flic infiltré. Les deux hommes se lient d’une amitié aux accents filiaux. Une fois libéré, Jae-ho intègre son protégé au clan mafieux pour lequel il opère. Hyun-sun épouse si bien la vie de gangster, qu’il en oublie ses attaches policières, menant grand train, nourrissant une forme d’obligeance envers son mentor, jusqu’à ce que ses anciens collègues viennent lui rappeler ses devoirs.
Un récit à tiroirs
Sans pitié déploie sur cette base un récit à tiroirs qui ne cesse d’aller et de revenir dans le temps, pour révéler à chaque fois de nouvelles dimensions cachées dans le lien qui unit le mafieux et l’infiltré. Mais ces revirements et rebondissements en rafale manifestent plus un désir d’en mettre plein la vue qu’un souci de questionner l’ambiguité de ses héros. Dans un style tape-à-l’œil, la mise en scène glorifie les postures flambeuses, mais surtout l’essence exclusivement masculine du duo de gangsters, en évacuant hors de leur relation privilégiée le moindre intrus féminin. Le plus cocasse, dans ce polar viriliste comme il en existe tant en Corée, c’est qu’il ne parle en définitive que d’amour entre deux hommes, sujet inavoué mais gros comme le nez au milieu de la figure, dont l’homoérotisme transpire derrière chaque démonstration de force.
SANS PITIÉ - Bande-annonce officielle (Corée du Sud - Festival de Cannes)
Film sud-coréen de Byun Sung-hyun. Avec Sul Kyung-gu, Yim Si-wan, Kim Hie-won, Jeon Hye-jin (2 heures). Sur le Web : www.lecinemaquejaime.com/category/tous-nos-films/thriller/the-merciless-407.html