T411 est un site permettant de télécharger des films et des musiques. | Quentin Hugon

9 juillet 2008 : la Cour supérieure du Québec ordonne « immédiatement et sans délai de mettre fin à l’opération des torrents du site Quebectorrent ». Quebectorrent ? Un « petit » site, monté par un Québecois, dédié au partage de liens de téléchargement Bittorrent. On y trouve films et musiques, pour la plupart en français, ce qui le rend populaire auprès des Québecois mais aussi des Français, des Belges et de toute la francophonie.

Son créateur, Sébastien Brûlotte, avait bien tenté de faire valoir que le site n’hébergait lui-même aucun fichier et tenté de contester la procédure judiciaire engagée par une trentaine d’ayants droit canadiens mais avait finalement accepté de fermer le site. A l’époque, Quebectorrent est un « petit poisson » dans le milieu des annuaires Bittorrent. Le site revendique alors un peu plus de 100 000 inscrits, un nombre relativement faible ; les ayants droit estimaient leur préjudice à environ 200 000 dollars canadiens (131 500 euros), un chiffre là aussi modeste dans ce type d’affaires.

Quebectorrent avait été créé deux ans plus tôt en 2006, et au sein de sa communauté, certains décident de maintenir le projet : Quebectorrent est mort, mais une nouvelle équipe récupère les données du site pour lancer Torrent411, un nom inspiré des pages jaunes canadiennes. Cette fois, les administrateurs prennent soin de protéger leur anonymat, pour éviter les poursuites. Mais alors que le site prend de l’importance, les ayants droit et les fournisseurs d’accès commencent à avoir recours à des mesures de blocage : en 2011, le site change une première fois de nom de domaine, passant sur un domaine en. me, pour éviter un blocage de son adresse en. com, un domaine plus strictement contrôlé.

Multiples changements d’adresse

Au fil des années, Torrent411 changera à plusieurs reprises de nom de domaine, migrant vers des adresses en .io, en .in ou en .al, pour tenter de contourner les mesures de blocage. Ces dernières s’intensifient notamment à partir de 2015, lorsque la justice française valide le blocage du site par les fournisseurs d’accès à Internet, comme elle l’avait fait pour The Pirate Bay juste avant. Le blocage n’est pas très difficile à contourner pour les utilisateurs aguerris, mais c’est un premier coup de semonce pour le site – depuis 2014, les ayants droit français, la Sacem en tête, ont porté plainte contre le site.

Ce jeu du chat et de la souris n’empêche pas Torrent411 de fêter ses dix ans en 2016 – en offrant au passage à ses utilisateurs du « crédit de téléchargement ». Car sur le site, une règle précise régit le comportement des utilisateurs. Pour pouvoir télécharger des fichiers, il faut également en partager – Torrent411 vérifie de manière automatique que les inscrits partagent au moins autant qu’ils ne téléchargent, ce qui assure que les fichiers sont partagés par de très nombreux utilisateurs et peuvent donc être téléchargés très rapidement.

Un système qui garantit une « qualité de service » élevée et qui contribue au succès de T411. Ce type de règles n’est pas exclusif au site, mais il les combine avec un système semi-ouvert. Contrairement à d’autres sites, il suffit de s’inscrire pour le rejoindre, sans devoir attendre une invitation ou une cooptation, comme sur d’autres annuaires Bittorrent spécialisés. Ces dernières années, T411 a aussi tiré parti des fermetures successives de « concurrents », comme Zone téléchargement, ou avant lui Megaupload, récupérant des utilisateurs d’autres services au fur et à mesure que les annuaires et sites de streaming fermaient.

De petit site québecois, T411 est ainsi devenu un géant du téléchargement francophone : il revendiquait, avant sa fermeture dimanche 25 juin par les polices suédoises et françaises, plus de cinq millions de membres.