Un manchot Adélie sur les glaces de l’Antarctique. | Yann Ropert-Coudert

La signature de l’accord de Paris, le 22 avril 2016, a placé la France en position de leader mondial de la lutte contre le changement climatique, rôle qu’elle prend très au sérieux.

Un élément central et bien établi de cette lutte reste la mise en place d’aires marines protégées (AMP). Une étude publiée dans l’édition de juin 2017 de la revue de l’Académie américaine des sciences, Proceedings of the National Academy of Sciences, conclut que les AMP renforcent la résilience des écosystèmes marins face aux effets du dérèglement climatique. Elles offrent un refuge aux espèces marines et peuvent préserver les réservoirs ou puits de carbone.

En Antarctique, les effets du changement climatique varient extrêmement selon les régions. Dans la péninsule Antarctique, le réchauffement des eaux dû à la modification du climat est tenu pour responsable du recul de la banquise, perturbant la capacité des manchots à rechercher de la nourriture pendant la période de nidification. L’Antarctique oriental, en revanche, a été témoin d’une progression de la banquise en mer d’Urville, avec des conséquences désastreuses pour les espèces vivant dans la région.

Les manchots Adélie, par exemple, doivent parcourir de plus longues distances pour aller chercher de la nourriture dans les eaux libres de glace, ce qui affaiblit les poussins mal nourris et peut entraîner leur mort par inanition. La situation est telle que des colonies de la région de Dumont d’Urville ont connu deux épisodes de mortalité massive avec la disparition de l’ensemble des poussins des 26 000 couples reproducteurs de l’île des Pétrels au cours de ces quatre dernières années de reproduction.

Réseau d’aires protégées

La création d’une AMP en Antarctique oriental permettrait non seulement de protéger les ressources alimentaires de plus de 75 000 couples de manchots Adélie qui s’y reproduisent, mais aussi de sauvegarder la région pour un million de phoques crabiers et de veiller à ce que les zones cruciales d’alevinage du krill et de la légine australe restent intactes. Les eaux protégées de l’Antarctique oriental permettraient également de définir des zones de référence afin que les scientifiques puissent mieux concevoir l’ampleur des répercussions du dérèglement climatique sur l’océan Austral.

Protéger les eaux de l’Antarctique oriental aboutirait à la création de la seconde AMP d’envergure dans l’océan Austral après celle de la mer de Ross et constituerait une étape logique vers la concrétisation de l’engagement pris en 2009 par les membres de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) : établir un réseau d’aires protégées en Antarctique.

La surface totale de ce réseau d’AMP contribuerait de manière significative à atteindre l’objectif fixé par l’Union internationale pour la conservation de la nature lors du Congrès mondial de la nature en 2016, à savoir protéger au moins 30 % de l’océan à l’échelle planétaire. Enfin, un réseau d’AMP de l’océan Austral garantirait la conservation de ces régions intactes et extrêmement riches en biodiversité à des fins de préservation et de recherche scientifique.

Yan Ropert-Coudert, écologue, directeur de recherche au CNRS et responsable d’un programme environnemental de l’Institut polaire français.