GM&S est – à moitié – sauvé. Vendredi 30 juin, le tribunal de commerce de Poitiers a certes mis fin au redressement judiciaire et liquidé cette PME en grande difficulté devenue le premier dossier social chaud de la présidence Macron. Mais les juges ont assorti la liquidation d’une poursuite d’activité pendant trois semaines. Si bien que le travail va pouvoir continuer – ou plus exactement redémarrer, l’activité étant à l’arrêt total depuis le 13 juin.Dans l’immédiat, les salaires des 277 salariés de ce fabricant de carters et autres pièces automobiles vont être pris en charge par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), l’organisme qui intervient en pareil cas. Puis le petit groupe GMD, seul candidat déclaré à la reprise, pourra reprendre les 120 salariés qu’il a accepté de récupérer. Les autres seront au chômage.

Un projet remis in extremis

Il s’en est fallu de très peu. Quelques heures de plus, et GM&S était voué à une liquidation immédiate, qui aurait constitué le premier gros échec du nouveau président de la république. Mais à 19 h 30, jeudi 29 juin, Alain Martineau, le président et actionnaire de GMD, a fini par déposer au tribunal de commerce de Poitiers une offre ferme en bonne et due forme pour reprendre une partie de l’entreprise de La Souterraine, un gros bourg de la Creuse.

Sans cette offre, attendue depuis des semaines, les juges n’auraient pu, le lendemain matin, que constater la mort de GM&S, le deuxième employeur du département. Tous les salariés auraient été licenciés sous 30 jours. Le projet de reprise remis in extremis a permis d’éviter le pire.

« Même si on ne s’attendait pas à des miracles, 120 salariés repris seulement, ça fait mal au bide », commentait jeudi soir le secrétaire CGT du comité d’entreprise, Yann Augras, interrogé par l’AFP.

Demi-échec, demi-succès. Pour Emmanuel Macron, l’affaire se dénoue provisoirement sans réussite, mais sans drame absolu. Certes, plus de la moitié du personnel va se retrouver sans travail, dans une région très peu industrialisée. « Même si on ne s’attendait pas à des miracles, 120 salariés repris seulement, ça fait mal au bide », commentait jeudi soir le secrétaire CGT du comité d’entreprise, Yann Augras, interrogé par l’AFP.

Une mobilisation politique hors norme

Cependant, le site est provisoirement sauvé. Il ne devrait plus être question dans l’immédiat de mettre le feu à l’usine, comme les ouvriers en agitaient la menace depuis plusieurs semaines. « Des investissements vont permettre de moderniser l’appareil productif, ce qui était indispensable à la pérennité du site », a promis vendredi matin sur RTL Benjamin Griveaux, le nouveau secrétaire d’Etat qui, à Bercy, s’est occupé de ce dossier dans les tout derniers jours.

Pour ce premier dossier social, jugé par le gouvernement « emblématique des difficultés de certains territoires périphériques », M. Macron a pris des mesures totalement exceptionnelles. Une cellule de crise a été constituée à Bercy. Plus de 50 repreneurs possibles ont été contactés – en vain – par les pouvoirs publics. Le gouvernement a aussi mené directement les négociations avec les constructeurs Renault et PSA, les deux grands clients de l’usine.

La mobilisation politique hors norme a permis à M. Martineau, seul candidat final à la reprise, d’obtenir beaucoup plus que ce qu’il pouvait imaginer au départ. « Il va sans doute faire une bonne affaire », estime Me Jean-Louis Borie, l’avocat des salariés de GM & S.

« Un accompagnement exemplaire »

La dépollution de la parcelle du site qui le nécessite ? Elle ne sera pas à la charge de GMD. La location des bâtiments ? Les collectivités locales ont accepté d’acheter les lieux et de demander un loyer plus raisonnable que celui en vigueur actuellement. Le carnet de commandes ? Les pouvoirs publics ont fait pression sur les constructeurs, dont l’Etat est justement actionnaire minoritaire. Alors qu’ils avaient fortement diminué leurs achats au cours des dernières années, et trouvé d’autres fournisseurs, PSA et Renault ont fait un geste. PSA s’est engagé sur 12 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, et Renault sur 10 millions d’euros.

Ces derniers jours, le point le plus épineux des tractations a porté sur le financement de l’activité et des investissements. Là non plus, le candidat à la reprise ne voulait pas être seul à mettre au pot. GMD devrait finalement apporter 5 millions d’euros, soit un quart des besoins, a précisé M. Griveaux. Les trois autres quarts proviendront, en principe à parts égales, de PSA, Renault et de l’Etat.

Le gouvernement a en outre promis un « accompagnement social exemplaire »,notamment en matière de formation, pour les salariés, souvent âgés, qui resteront sur le carreau.

Quant au personnel, la menace d’une fermeture l’a aussi incité à se montrer coopératif. Lundi 26 juin, l’assemblée générale a donné mandat aux délégués pour discuter avec GMD, même s’il ne reprenait que 120 postes, là où les salariés attendaient le double. Le personnel espérait que cette bonne volonté serait récompensée et que les salariés licenciés pourraient partir avec davantage d’argent que le minimum légal. Mais sur ce point, ni GMD ni les constructeurs n’ont accepté de mettre la main à la poche.

Le retour de l’Etat-brancardier ?

Cette conclusion provisoire de l’affaire GM & S laisse deux questions ouvertes. La première est celle de l’avenir de l’usine. Ramené à 120 personnes et intégré dans un groupe industriel plus large, ce site peut-il redevenir enfin rentable, ou « La Sout’» est-elle vouée à connaître une nouvelle crise dans quelques mois ou quelques années ? Tout dépendra de la stratégie du repreneur, peu disert à ce stade, et surtout de la volonté des constructeurs, les vrais décisionnaires. Seule certitude : à la prochaine crise de la filière, l’usine creusoise sera l’une des premières menacées.

La seconde interrogation porte sur la politique industrielle de M. Macron. En raison de la période électorale, l’Etat a mis en œuvre ici des moyens rarement vus pour une PME vieillissante dans un secteur non-stratégique. Cette affaire annonce-t-elle un retour de l’Etat-brancardier, concentrant ses efforts sur les sociétés mal en point, au détriment des entreprises plus prometteuses ? « Le gouvernement a choisi pour GM & S une approche traditionnelle, relève Me Bertrand Biette, avocat chez Fidal et spécialiste des restructurations. Une solution plus innovante aurait consisté à construire un projet de nouvelle activité, en s’appuyant sur le savoir-faire du personnel. »

Le nouveau gouvernement aura vite l’occasion de préciser sa doctrine. En un an, depuis mai 2016, le nombre de liquidations et de redressements judiciaires a certes baissé de 9 %, grâce à la reprise économique qui se confirme de mois en mois. Le nombre total de défaillances reste toutefois élevé : 55 835 sociétés ont été touchées en un an et plus de 70 % des dossiers aboutissent à la disparition définitive des entreprises. En outre, le nombre d’emplois menacés a, lui, augmenté dans le même temps de 5 %, selon la société Ellisphère. Une fois le cas GM & S réglé, d’autres comme Necotrans (logistique) ou Isochem (chimie) vont très vite arriver sur les bureaux ministériels.