Il y a encore du flou dans le calendrier, mais une chose est certaine : Edouard Philippe ne sera pas le Père Noël. « Nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort », a-t-il prévenu d’entrée, n’hésitant pas à jouer de la corde de la dramatisation et appelant à avoir « le courage de faire face à la vérité sur notre situation financière ». Qu’il résume en trois chiffres : « 8 milliards d’euros de dépenses non financées » ; « notre dette atteint un niveau insupportable de 2 147 milliards d’euros » ; « chaque année, la France dépense 42 milliards d’euros pour rembourser ses intérêts ».

Le décor étant planté, restait à préciser les objectifs, tant en matière de réduction de la dépense publique que de déploiement des promesses fiscales annoncées par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle. Tout en contenant, comme l’a rappelé le premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le déficit « sous la barre des 3 % dès 2017 ».

Pour ce qui concerne la dépense publique, M. Philippe entend la faire baisser de 3 points du produit intérieur brut (PIB) sur cinq ans ; elle représente actuellement 54,3 % du PIB. Cela correspond très précisément aux engagements économiques du candidat Macron. Une réduction de cette ampleur signifie une diminution de 60 milliards d’euros par rapport à sa progression naturelle. Dans l’immédiat, le chef du gouvernement entend faire en sorte qu’elle soit stable, hors inflation, en 2018 par rapport à 2017. « Stable : on ne dépensera pas plus en 18 qu’en 17 », insiste-t-il.

Et c’est là que ça se complique, car il va falloir faire des choix douloureux, dont il esquisse les pistes sans en préciser les cibles. Tout d’abord, « stopper l’inflation de la masse salariale du secteur public ». La Cour des comptes en a, dans l’audit sur les finances publiques qu’elle a rendu le 29 juin, fortement souligné l’enjeu. La masse salariale des administrations publiques s’élevait à 284 milliards d’euros en 2016, soit 22,7 % des dépenses publiques. Dans son programme économique, le candidat Macron estimait possible de diminuer de 120 000 le nombre de fonctionnaires, dont 70 000 dans la fonction publique territoriale et 50 000 dans l’administration de l’Etat. M. Philippe, mardi, n’en a pas parlé.

Secteurs sensibles

Il entend également agir sur deux autres leviers. « Nous devrons choisir et remettre en cause certaines missions », prévient-il. Lesquelles ? « Aucun ministère, aucun opérateur, aucune niche fiscale ne sera sanctuarisé. » Cela laisse place à un large champ d’action, mais cela ne dit pas où s’opéreront les coupes. Il faudra aussi, estime le premier ministre, « repenser les politiques publiques qui pèsent sur nos actifs sans suffisamment de résultats ». Là, en revanche, il donne deux exemples : les aides au logement ainsi que la politique de l’emploi et de la formation professionnelle. Deux secteurs régulièrement évoqués mais d’une telle sensibilité qu’aucun gouvernement n’a jusqu’à présent osé s’y attaquer.

Pour ce qui est des dispositifs fiscaux, M. Philippe a indiqué vouloir faire baisser la pression fiscale d’un point de PIB – elle représente actuellement 44,3 % du PIB – sur cinq ans, soit une baisse des prélèvements obligatoires de 20 milliards d’euros d’ici à 2022. Certaines promesses – coûteuses – du candidat Macron, cependant, vont devoir être étalées dans le temps pour éviter de faire exploser les déficits dès 2018.

Il en va ainsi de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse des charges. Initialement prévue dès 2018, elle n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2019. Le taux de l’impôt sur les sociétés, comme s’y était engagé le candidat Macron, sera réduit par étapes de 33,3 % aujourd’hui à 25 % en 2022. La trajectoire de baisse sera précisée dans la loi de finances pour 2018. Rappelons toutefois que la baisse de l’impôt sur les sociétés avait été engagée par le précédent gouvernement dans le cadre de la loi de finances pour 2017. Elle prévoyait de le ramener à 28 % en 2020 pour toutes les entreprises et à 15 % dès 2019 pour toutes celles réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros. M. Philippe n’a pas précisé si ces engagements seraient tenus.

Reportée, également, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui devait être recentré sur le seul patrimoine immobilier, ce qui aurait entraîné une perte de recettes pour l’Etat de l’ordre de 2 milliards d’euros. La réforme sera bien votée dès cette année, mais elle n’entrera en vigueur qu’en 2019, en même temps que sera mis en place un prélèvement unique au taux de 30 % sur les revenus de l’épargne.

Enfin, et c’est peut-être la plus grosse surprise de cette déclaration de politique générale, le premier ministre s’est montré d’une grande prudence sur la mise en œuvre de l’exonération de la taxe d’habitation, qui devait être étendue à 80 % des ménages en trois ans, d’ici à 2020. Il évoque désormais une « concertation » et un calendrier « d’ici à la fin du quinquennat ». La preuve que le gouvernement commence cette fois à se heurter à l’épreuve du réel.

Ces engagements devraient trouver leurs traductions dès la mi-juillet à l’occasion du débat d’orientation sur les finances publiques et, surtout, à l’automne avec la présentation de la loi de programmation des finances publiques et de la loi de finances pour 2018.