Masao Maruyama | DR

Masao Maruyama a traversé une grande partie de l’histoire de l’animation japonaise. De ses débuts auprès d’Osamu Tezuka, pionnier et père d’Astro, le petit robot (dont le premier volume paraît en 1952) à sa collaboration sur des séries phares comme Nana (2000) ou Death Note (2003), ce producteur est un ambassadeur privilégié de la production nippone des cinquante dernières années. Il a aussi cofondé de plusieurs studios d’animation, à l’instar de Madhouse, une société qui a abrité de grands réalisateurs comme les réalisateurs Rintaro, Satoshi Kon ou Mamoru Hosoda et contribué à la sortie de bijoux indés comme de grosses franchises. A 76 ans, Masao Maruyama est l’invité et le parrain de l’édition 2017 de la Japan expo qui, de jeudi 6 juillet au dimanche 9 juillet, célèbre les cent ans de cette branche du septième art.

Vous avez commencé votre carrière dans les années 1960, dans le studio Mushi fondé par Osamu Tezuka. Qu’est-ce qui vous a amené à travailler dans l’animation ?

Masao Maruyama : Au début, je savais seulement que M. Osamu Tezuka allait monter une entreprise. Quand je suis rentré dans la boîte, je ne savais pas quel était le projet. C’est seulement une fois embauché que j’ai compris réellement qu’il s’agissait d’animation. Il y a cinquante ans, personne ne connaissait l’animé. Il faut dire que même si l’on parle des cent ans de l’animation japonaise, les tout premiers films restaient dans des sphères privées. Le premier gros succès, c’est Astro boy.

Tetsuwan Atomu (AstroBoy) 60's Intro in Japanese

Vous avez du coup fait vos premiers pas auprès d’un grand maître du manga et de l’animation. Comment était Osamu Tezuka ? Quel enseignement le plus important avez-vous appris de lui ?

C’est quelqu’un qui avait un registre très large d’histoires qui allaient de la SF aux princesses. Ce que j’appréciais surtout chez lui c’est que même s’il savait que son animé n’allait être un énorme succès, il menait son projet jusqu’au bout.

Quelle est la recette d’un bon animé ?

Il n’y a pas vraiment de recette. Tout ce qu’on a fait au début de l’aventure, c’est d’écrire et de dessiner ce que l’on aimait. On allait jusqu’au bout, on essayait de le vendre.

Vous faites partie des professionnels qui ont vu l’animé prendre un tournant plus mature, plus adulte. Vous avez notamment produit Perfect Blue (1997) ou Paprika (2006), des œuvres sombres. Est-ce une démarche assumée de ne pas faire que des séries et films pour enfants ?

Dans une boîte de production, quand on construit un animé, chacun fait ce qu’il doit faire, et ce qu’il veut. On ne faisait pas attention à savoir si ce que chacun apportait était plus en enfantin ou adulte. Du moment que l’on trouvait ces différents éléments amusants ou intéressants à concevoir.

Paprika (Bande-annonce)

Qu’est-ce qui vous pousse à produire un projet ?

Pour les décisions, c’est une question d’intuition personnelle ; ça peut-être un détail qui vous attire, un collaborateur qui vous motive. Mais il faut se dire une chose : si un élément du projet vous dérange, vous pouvez être sûr que cela ne s’améliorera pas par la suite. Donc, mieux vaut ne pas le faire.

Comment est né Madhouse, le studio que vous avez cofondé en 1972 ?

Avant Madhouse, nous travaillions tous chez Mushi sur Ashita no Joe. Lorsque nous avons appris que la boîte faisait faillite, nous nous sommes réunis, et l’équipe entière a décidé de sortir pour fonder Madhouse.

Ashita No Joe Italian Dub Opening 1 "Rocky Joe"

Qui a choisi le nom, qui signifie « maison de fous » en anglais ?

[Il rit.] Cela remonte à longtemps… Au début je voulais que le nom comporte le mot « clan », pour l’esprit d’équipe. Je ne voulais pas un nom formel de grande entreprise mais quelque chose de familial. Le mot « house » a été proposé et j’ai dit OK. Puis il fallait bien mettre quelque chose devant, alors on a choisi « mad ».

Que pensez-vous de la production d’animés actuelle ? Arrive-t-on encore à innover ?

Le monde de l’animation est encore en pleine expansion. Je trouve qu’on en fait trop, qu’on produit trop. Il faudrait qu’on produise un peu moins pour plus de cohérence, de qualité. Il est difficile de répondre sur l’innovation. Mais il existe encore de nombreux genres et nous sommes encore en pleine évolution graphique.

Image du film « Dans un recoin de ce monde », qui sort en France en septembre 2017 et qui a été produit par MAPPA, studio d’animation fondé par Masao Maruyama en 2011. | ©Fumiyo Kouno/Futabasha/Konosekai no Katsumini Project

Y-a t-il eu un âge d’or dans l’animation japonaise ? Quelle est la meilleure période ?

Pour moi l’âge d’or, c’est tous les jours. Chaque jour, je trouve que ce que l’on fait est fou.

Avec votre expérience, quel conseil donneriez-vous aux jeunes auteurs de l’animation ?

Les jeunes d’aujourd’hui cherchent souvent et seulement les points négatifs ; ils rouspètent beaucoup ! Or, si vous travaillez dans l’animation, vous devriez déjà être contents. Essayez d’apprécier les défis et les gens qui vont vous entourer, vous motiver. J’ai cinquante ans d’expérience dans l’animation et s’il y a quelque chose de très important selon moi c’est le contact, le travail d’équipe.

Quel a été votre plus beau projet, celui dont vous êtes le plus fier ?

Je n’ai pas de préférence. Sur chaque projet, on travaillait énormément, avec pleins de détails qui bloquaient, et nous étions surtout contents d’en venir à bout. Comme notre but était de finir les projets, nous étions tellement contents d’y être arrivés, qu’on ne regardait pas en arrière, et nous nous sentions fiers.