La justice marocaine ordonne une enquête après une vidéo controversée de Nasser Zefzafi
La justice marocaine ordonne une enquête après une vidéo controversée de Nasser Zefzafi
Le Monde.fr avec AFP
Le leader de la contestation du Rif, jugé « pour atteinte à la sécurité intérieure », aurait été filmé en train de se dénuder pour prouver qu’il n’a pas été maltraité en prison.
La justice marocaine a ordonné, mardi 11 juillet, une enquête après la diffusion d’une vidéo qui montrerait le leader de la contestation dans le nord du Maroc dans sa prison et qui fait scandale dans le pays.
Lundi, après la comparution de Nasser Zefzafi devant un juge d’instructio, une vidéo où il apparaît a été diffusée par un site d’information locale réputé proche des milieux sécuritaires. Dans cette vidéo de deux minutes, non datée, non sourcée et visiblement filmée depuis une cellule, on voit Nasser Zefzafi, calme et silencieux, soulever sa djellaba pour montrer son torse, son dos et ses jambes, comme pour montrer qu’il n’a pas été violenté. Des voix masculines sont audibles en bruit de fond. La vidéo a été retirée depuis.
Le procureur général du roi à Casablanca a « immédiatement ordonné l’ouverture d’une enquête pour élucider les circonstances de son enregistrement et la finalité de sa publication », selon un communiqué diffusé lundi soir.
L’administration pénitentiaire a démenti que cette vidéo a été enregistrée dans la prison de Casablanca où est incarcéré depuis fin mai le chef de la contestation qui agite le nord du pays depuis plusieurs mois. Le prisonnier, qui est notamment accusé d’« atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat », « n’a jamais porté la tenue avec laquelle il apparaît dans la vidéo », a ajouté la direction générale des prisons (DGAPR).
« Acte d’humiliation condamnable »
Sur Facebook, le ministre des droits de l’homme a dit avoir « ressenti une énorme douleur en prenant connaissance » de cette vidéo, dénonçant un acte « d’humiliation condamnable portant atteinte à la dignité d’un citoyen sans défense ». Se disant « très en colère », Mustapha Ramid a expliqué avoir « pris l’initiative de contacter son collègue » de l’intérieur, Abdelouafi Laftit, et s’être « mis d’accord avec lui sur la nécessité d’initier des investigations ».
La vidéo, jugée dégradante pour Nasser Zefzafi, a suscité de nombreuses réactions d’indignation. L’Association marocaine des droits de l’homme a condamné une séquence « humiliante » qui constitue une « atteinte à ses droits de prisonnier ».
Le site d’info en français Le Desk voit « deux pistes a priori » pour son origine, la prison ou la police et « s’indigne d’un nouvel épisode du climat délétère que traverse le pays avec son chapelet de barbouzeries continuelles ». Le Desk brocarde également le « site de propagande policière » à l’origine de la diffusion de la vidéo, qui appartient au « triste bataillon d’une presse jaune numérique ».
« Zefzafi filmé en prison : choc, enquête et interrogations », titrait pour sa part le site Médias24. « A chaque fois qu’il y a un apaisement, une nouvelle étincelle vient mettre le feu aux poudres », s’interroge Médias24, qui rappelle que d’autres fuites concernant les événements d’Al-Hoceima, la ville du Rif à la tête de la contestation, « restent non élucidées ».
L’administration pénitentiaire a annoncé mardi un « mouvement de mutation et nomination » à la tête de plusieurs de ses prisons, dont celle de Casablanca, où est enfermé Nasser Zefzafi. Cette décision, « prise depuis longtemps », « n’a rien à voir » avec la polémique en cours, selon une source au sein de cette administration citée par la presse locale.