La question du sort des détenus basques ressurgit
La question du sort des détenus basques ressurgit
Par Jean-Baptiste Jacquin
73 hommes et femmes condamnés ou en attente de jugement dans des affaires liées au terrorisme basque sont dispersés dans 21 prisons françaises. Elus locaux et société civile réclament que soit mis fin à la politique d’éloignement de ces prisonniers.
Ils sont soixante-treize détenus, dont quinze femmes, dispersés dans vingt et une prisons en France situées en moyenne à 630 kilomètres de leurs familles respectives. Les plus proches sont à 400 kilomètres. Le sort de ces personnes, condamnées ou en attente de jugement dans des affaires liées au terrorisme basque, est aujourd’hui officiellement posé. Trois mois après la remise spectaculaire le 8 avril aux autorités françaises des stocks d’armes, de munitions et d’explosifs de l’organisation séparatiste ETA, les élus locaux de tous bords et la société civile lancent un appel pressant à la poursuite du « processus de paix », en demandant de mettre fin à la politique d’éloignement des prisonniers.
« La politique de dispersion des détenus basques est une double peine à l’encontre des familles, alors qu’elles ne sont pas responsables des actes des personnes condamnées », explique Zigor Goieaskoetxea, dont le frère Iban est détenu à Arles (Bouches-du-Rhône). Plus de 1 200 kilomètres aller-retour pour le voir, « c’est à chaque fois au moins 250 euros d’essence et de péages, plus une nuit d’hôtel à payer », explique-t-il. La famille a organisé un planning pour que cet homme, condamné à quatorze ans de prison, ait une visite par semaine.
Détenu depuis sept ans, il est passé par les prisons de Villepinte (Seine-Saint-Denis), Villefranche-sur-Saône (Rhône), Fleury-Mérogis (Essonne) et Valence (Drôme) avant son transfert en octobre à Arles, son lieu de détention le moins éloigné de Biarritz. Cette famille est littéralement écartelée alors qu’un autre frère de M. Goieaskoetxea, Eneko, est incarcéré à Pontevedra en Espagne, dans la direction exactement opposée à plus de 600 kilomètres.
« Personne ne demande d’amnistie »
« Nous avons vécu six années insupportables et il a fallu attendre deux majorités pour voir une ouverture après l’annonce par l’ETA en 2011 de la fin de la lutte armée », a expliqué Jean-René Etchegaray, maire (UDI) de Bayonne et président de la Communauté d’agglomération Pays basque lors d’une conférence de presse lundi 10 juillet à Paris. C’est le temps qu’il a fallu pour organiser, avec l’accord tacite du gouvernement français, la remise des armes. « L’ensemble des élus et de la société civile veut une paix durable, il est temps de passer à l’étape suivante, sinon l’ensemble du processus serait compromis », prévient-il.
Cette étape définie en 2011 sous les auspices de leaders internationaux, dont Kofi Annan et Gerry Adams, comprend le sort des détenus et la réconciliation avec les victimes. Pour Michel Tubiana, avocat et président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, si le gouvernement empêche ce processus d’avancer, « des victimes ne sauront jamais ce qu’il s’est passé ». Selon lui, seul un processus de dialogue sans la justice permettrait que « les choses soient dites, dans leur violence, et de façon contradictoire ».
Une délégation comprenant, outre MM. Etchegaray et Tubiana, Florence Lasserre-David, députée (MoDem) des Pyrénées-Atlantiques, Max Brisson, vice-président (LR) du département, ou Anaiz Funosas, présidente du mouvement civil Bake Bidea (Le chemin de la paix) a été reçue lundi au cabinet de la ministre de la justice par Hélène Davo. Il se trouve qu’elle connaît parfaitement le sujet pour avoir été pendant plus de quatre ans magistrate de liaison française en Espagne. La délégation a également été reçue par le défenseur des droits, le contrôleur général des lieux de privation de liberté et la Commission nationale consultative des droits de l’homme.
« Personne ne demande d’amnistie », précise le maire de Bayonne. M. Tubiana plaide simplement pour l’application du droit commun. De même, il demande que la loi sur les libérations conditionnelles soit appliquée alors qu’aucun des trente-et-un détenus basques qui sont dans les délais pour formuler une telle demande n’en bénéficie. M. Etchegaray parle de « retour en arrière », avec des personnes ayant « un régime carcéral politique alors que les infractions de nature politique ont disparu avec la Cour de sûreté de l’Etat en 1982 ».
En Corse également, la situation des personnes condamnées pour association de malfaiteur terroriste fait partie des revendications des mouvements nationalistes. Le rapprochement des détenus corses avait d’ailleurs été officiellement annoncé par le gouvernement en 2002. Mais jamais mis en œuvre, en dehors de quelques cas. La délégation basque préfère ne pas lier ces deux histoires du terrorisme régionaliste en soulignant l’ampleur du consensus autour du « processus de paix » qu’a concrétisé la remise effective des armes.