Donald Trump Jr lors de la convention républicaine, à Cleveland (Ohio), le 19 juillet 2016. | MARK KAUZLARICH / REUTERS

Les faits sont têtus et, parfois, extrêmement troublants. Depuis les révélations en série du New York Times ces derniers jours, il est admis que le fils aîné du président américain, Donald Trump Jr, a rencontré le 9 juin 2016, à New York, dans la perspective d’obtenir des informations dommageables pour la candidate démocrate Hillary Clinton, une avocate russe, Natalia Veselnitskaïa, connue pour son activisme en faveur des intérêts du Kremlin. Tous deux ont reconnu s’être entretenus dans la Trump Tower, ainsi que les deux autres protagonistes présents lors de la réunion, Jared Kushner, gendre de Donald Trump, et Paul Manafort, alors directeur de campagne du candidat républicain et ancien conseiller du président ukrainien pro-russe, Viktor Ianoukovitch.

Le contenu de la conversation diverge selon les récits, mais les acteurs semblent s’accorder pour en minimiser la portée. Selon le fils Trump, l’avocate n’a fait que des déclarations « vagues » et « dépourvues de sens ». D’après Natalia Veselnitskaïa, la rencontre n’a duré que trente minutes, « sans jamais aborder le sujet de la campagne présidentielle ». Et d’ajouter : « Je n’avais pas les informations qu’ils voulaient sur Clinton. » Ces propos n’ont fait qu’amplifier un peu plus le scandale, relançant non seulement l’affaire de l’ingérence russe dans l’élection présidentielle, mais aussi l’importance de cette réunion new-yorkaise qui pourrait bien dessiner une pièce essentielle du puzzle éparpillé.

Replacée dans le contexte de l’époque, celle-ci prend de fait une dimension particulière. Deux jours avant la rencontre, Hillary Clinton tient un discours victorieux à Brooklyn pour fêter la nomination démocrate. L’affaire du serveur privé – utilisé pour sa correspondance alors qu’elle était au département d’Etat – la poursuit, ce qui ne l’empêche pas de caracoler en tête des sondages. On ne le sait pas encore, mais les hackeurs russes s’efforcent de pirater l’élection depuis la fin 2015. C’est aussi le moment où les enfants Trump essaient de reprendre la main dans une équipe de campagne traversée par de nombreux conflits.

Ce 7 juin donc, en début d’après-midi, la réunion entre Donald Trump Jr et l’avocate russe est scellée dans un échange de mails. Coïncidence ? A peine quelques heures plus tard, Donald Trump promet, lors d’une conférence de presse dans son club de golf de Westchester (Etat de New York), des révélations « très, très intéressantes » sur Hillary Clinton, et un « discours majeur » qui aura lieu, précise-t-il, « au cours de la semaine prochaine ». Le 9, le jour de la réunion entre son fils et Natalia Veselnitskaïa, le candidat républicain évoque, dans un Tweet, les 33 000 courriels disparus du compte de Mme Clinton. Mais la semaine suivante, elle, se déroulera sans « discours majeur ».

Pseudo : « Guccifer 2.0 »

Fait troublant, le 12 juin, Julian Assange, le fondateur de Wikileaks, annonce qu’il s’apprête à rendre publics de nouveaux mails de l’ancienne secrétaire d’Etat. Deux jours plus tard, le Comité national démocrate (DNC) affirme avoir été victime d’une attaque de pirates informatiques russes. Le 15, un hackeur connu sous le pseudo « Guccifer 2.0 » poste des documents subtilisés au DNC. Donald Trump accuse alors les démocrates d’être à l’origine du piratage afin de masquer les affaires concernant leur candidate.

Trois jours plus tard, le Washington Post affirme que l’équipe de campagne Trump cherche à influencer le Parti républicain afin qu’il adoucisse le programme de sanctions contre les Russes imposées après l’annexion de la Crimée. Nouvelle salve de publications contre Hillary Clinton par Guccifer 2.0.

A la mi-juillet, trois conseillers de M. Trump – Carter Page, J. D. Gordon et Walid Phares – rencontrent l’ambassadeur russe, Sergueï Kislyak, à Cleveland (Ohio). Ils lui disent souhaiter que les relations avec Moscou s’améliorent. Deux jours avant l’ouverture de la convention démocrate à Philadelphie (du 25 au 28 juillet), WikiLeaks publie près de 2 000 courriels du DNC. Certains indiquent que des responsables démocrates ont favorisé la candidate Clinton au détriment de son adversaire, Bernie Sanders. Lorsque, le lendemain, le journaliste George Stephanopoulos, de la chaîne ABC, demande s’il y a un quelconque lien entre la campagne Trump et le régime de Vladimir Poutine, Paul Manafort répond : « Non, il n’y en a pas. Et vous savez, il n’y a aucun fondement pour cela. »

« Ils devraient avoir honte »

Le même jour, Donald Trump Jr répond sur CNN aux accusations de l’équipe Clinton, qui affirme que les piratages sont destinés à aider la campagne de Donald Trump : « Ils devraient avoir honte d’eux-mêmes. Si nous avions fait cela… si mon père avait fait cela, ils auraient des gens qui auraient exigé la chaise électrique. Ils sont capables de n’importe quoi pour remporter la victoire. »

Interrogé, mardi 11 juillet sur Fox News, au sujet de la réunion avec l’avocate russe, l’aîné des fils Trump a lâché, sans plus de détails : « Rétrospectivement, j’aurais probablement fait les choses un peu différemment. »