Doutes, fraude, résignation : le parcours des parents réticents à la vaccination obligatoire
Doutes, fraude, résignation : le parcours des parents réticents à la vaccination obligatoire
Par Hélène Assekour
Les opposants se préparent à l’extension de l’obligation de la vaccination, par le ministère de la santé, de quatre à onze injections chez les jeunes enfants.
L’obligation vaccinale bientôt étendue à 11 maladies ? « Pour nous, c’est un peu la panique », s’inquiète Anaïs C. La professeure des écoles de 29 ans n’a toujours pas fait vacciner son fils de 16 mois, et fait partie des hésitants. L’annonce du gouvernement ne l’a pas convaincue. « On est encore plus perdus qu’avant. »
Parmi les réticents à la vaccination, les stratégies face à l’extension annoncée de l’obligation varient. Il y a ceux qui envisagent la triche, comme Marie F., mère de trois enfants dont un n’est pas du tout vacciné. « J’ai rencontré par le passé des médecins homéopathes qui étaient d’accord pour falsifier mon carnet de santé. » Elle est coutumière du subterfuge : elle a déjà fait une fausse attestation sur l’honneur pour que ses enfants puissent aller à l’école, et « oublie volontairement » son carnet de santé lorsqu’elle va à l’hôpital.
Autre astuce : le certificat de contre-indication. Garance (le prénom a été modifié) compte dessus pour son fils de 18 mois. Hors de question qu’il reçoive le moindre rappel ou nouveau vaccin. Si l’accès à la collectivité devait lui être refusé, elle se dit « prête à faire l’école à la maison ». L’obligation vaccinale étendue « pourrait même [l’]empêcher de faire un deuxième enfant », lâche celle qui a rejoint l’association Prévention vaccin. Pour la première injection de son fils, Béatrice ne s’est pas posé de questions. Mais, dans la foulée, l’enfant a eu une forte fièvre et une hypotonie (baisse du tonus musculaire) passagère. Depuis, elle a tout arrêté. Garance en est l’exemple, rares sont ceux qui ont toujours eu une profonde conviction anti-vaccins. Pour la plupart, c’est un parcours personnel fait de frayeurs ou de doutes qui les a menés à se mettre hors la loi.
Effets secondaires
Le scepticisme n’a pas toujours été de mise non plus pour Marie F. La fille aînée de cette mère au foyer a reçu tous les vaccins. C’est pour son deuxième enfant qu’elle a commencé à s’interroger : « J’ai tardé pour les vaccins, je n’étais plus à jour avec le calendrier vaccinal. Je voulais donc savoir s’il était nécessaire que je refasse les primo-injections. Mais le médecin n’a pas voulu m’expliquer, il m’a juste dit de continuer. » Sa curiosité l’amène sur Internet, où elle découvre la problématique des effets secondaires et prend peur. Pour son troisième enfant, elle choisit de se passer des vaccins recommandés. Réponse de son médecin, qui la suit depuis toute petite : « Si tu fais ça, je te dénonce à la DDASS. » Elle n’y est plus jamais retournée. Les parents – surtout les mères – sont nombreux à raconter culpabilisation, infantilisation et menaces, qui les braquent et rompent le lien avec le corps médical.
Dernier facteur accentuant la défiance : la pénurie. Le DTP notamment, qui contient les trois vaccins obligatoires, est en rupture de stock sous sa forme trivalente depuis 2008. Désormais, seule la version hexavalente est commercialisée, contenant deux autres injections, dont celle contre l’hépatite B. Une pénurie incomprise par les parents, qui l’assimilent à de la vente forcée. De quoi refroidir Anaïs C. : « Pour moi, l’hépatite B, c’est un vaccin à faire à l’entrée de l’adolescence. » Pour l’éviter, elle préfère encore n’en faire aucun. Du coup, son fils n’est toujours pas immunisé contre la diphtérie, le tétanos et la polio.
Idem chez Anne N., consultante à Paris. « On a des cas de sclérose en plaques dans la famille. Même si le lien n’est pas prouvé, ça nous fait peur. » Son premier enfant a eu le vaccin pentavalent, sans l’hépatite B, mais il n’était plus disponible pour son deuxième. « On a attendu le plus longtemps possible, on est allés en Allemagne, mais on ne l’a pas trouvé. »
La résistance ne tient toutefois que rarement jusqu’au bout. Anne N. a fini par faire administrer le vaccin hexavalent à son fils. Même la déterminée Nathalie (le prénom a été modifié), fromagère et anti-vaccination depuis toujours, a été à deux pas de faire vacciner son fils à la suite des demandes de son assistante maternelle. « On s’apprêtait à le faire, on se disait qu’on n’arriverait plus à passer entre les gouttes. » Elle l’a même acheté. Finalement, la famille a changé de nourrice, pour d’autres raisons, et la nouvelle n’a émis aucune demande à ce sujet. L’enfant n’est toujours pas immunisé. Sera-t-elle contrainte par une future obligation ? « S’il n’y a pas de sanction, on ne le fera pas. »