205 000 SUV 3008 ont été écoulés dans le monde depuis octobre  2016 | ERIC PIERMONT / AFP

« Chez Peugeot, on n’avait pas vu ça depuis presque vingt ans. La dernière fois, ce devait être en 1999 avec la 206. » Pour Jean-Philippe Imparato, directeur général de la marque Peugeot, « ça » porte un nom, ou plutôt quatre chiffres : 3008 version 4x4 urbain. Lancée il y a un peu plus d’un an, c’est la voiture phénomène de Peugeot, qui est en train de donner un coup de fouet inédit aux résultats commerciaux de la marque au lion, et plus généralement du groupe PSA, dévoilés jeudi 13 juillet.

Au premier semestre 2017, le constructeur français a vendu 1,58 million de véhicules, en hausse de 2,31 % par rapport à la même période de 2016, dont 1,025 million pour la marque Peugeot. Cette dernière est la seule à contribuer à la croissance du groupe dans le monde, puisqu’elle est en hausse globale de 15 % par rapport à 2016 quand Citroën et DS sont respectivement en recul de 12 et 46 %.

Si la performance de Peugeot doit beaucoup à son retour sur le marché iranien (+ 190 000 véhicules vendus dans la région Moyen-Orient/Afrique), le SUV 3008 – ne dites pas « la » 3008 si vous voulez faire plaisir aux équipes marketing de Peugeot –, se taille une part inédite du gâteau pour un véhicule de cette taille et de ce prix. Ainsi, ce sont 205 000 exemplaires de ce 4x4 urbain (ou SUV pour sport utility vehicle) qui ont été écoulés dans le monde depuis sa commercialisation (octobre 2016), dont 114 900 au premier semestre de 2017.

En France, le SUV 3008 a été la sixième voiture la plus vendue

En France, le 3008 a été la sixième voiture la plus vendue, toutes catégories confondues, entre janvier et juin avec plus de 37 000 ventes. « Pour le seul mois de juin, elle arrive à la quatrième place, s’enthousiasme M. Imparato. Vous vous rendez compte, une voiture qui se vend pour l’essentiel entre 35 000 et 40 000 euros ! » Conséquence collatérale de ce succès : la nouvelle star laisse ses concurrentes directes sur le marché français loin derrière elle. En 2017, elle s’est, pour le moment, vendue 2,5 fois plus que Nissan Qashqai ou Volkswagen Tiguan et représente deux fois les ventes de Renault Kadjar.

Mais le coup de maître n’est pas que franco-français. En Europe, sur les cinq premiers mois de l’année, le 3008, auréolé de 28 prix et distinctions, réalisait de loin la plus forte progression de sa catégorie (+114 %) se positionnant d’emblée à la cinquième place.

Pourquoi un tel triomphe pour un modèle français ? « Le SUV 3008 est une automobile pile dans l’air du temps, explique un consultant. Il surfe sur le phénomène des SUV, dont la part de marché ne cesse d’augmenter partout sur la planète. Et puis Peugeot a pris des risques payant dans le cockpit, avec des choix ergonomiques radicaux et ce petit volant original. »

La production ne suit pas

Les superpouvoirs du Peugeot 3008 ne sont toutefois pas parvenus à faire des miracles en Chine, où le modèle existe dans une version allongée, qui du coup s’appelle 4008, produite localement avec le partenaire chinois de PSA, Dongfeng. Le marasme chinois continue pour PSA, qui constate une chute de 48,6 % de ses ventes. La marque Peugeot ne fait guère mieux (– 36,5 %).

Mais Peugeot a de quoi se consoler de ses déboires chinois car, où qu’il soit vendu, le 3008 est une affaire particulièrement lucrative. Peugeot remplit là complètement son objectif de protection de la valeur économique de l’entreprise par des prix hauts, obsession de Carlos Tavares, le président de PSA, qu’il adore résumer par l’expression « pricing power ». Si PSA ne divulgue pas la marge réalisée sur le SUV 3008, le groupe souligne que les deux tiers des ventes se font avec des modèles haut de gamme et que la part de marché augmente dans les catégories les plus rentables, les particuliers et les flottes d’entreprise hors loueurs de voitures.

Il y a un revers à cette médaille : la production a bien du mal à suivre les cadences. Sur les 205 000 SUV 3008 vendus depuis octobre 2016, Peugeot, qui les fabrique dans son usine historique de Sochaux (Doubs), en a livré 115 000. Les délais d’attente sont à la mi-juillet de quatre mois en moyenne et peuvent être plus longs encore pour des finitions très demandées.

Augmenter les équipes de nuit et de week-end

Il a fallu augmenter les équipes de nuit et de week-end, embaucher à Sochaux, où le groupe peine à boucler son plan de recrutement de 1 000 intérimaires. Cette pression sur la production provoque des tensions entre la direction et les syndicats. Le 11 juillet, faisant le point sur le plan de compétitivité en cours en France, le DRH du groupe, Xavier Chéreau, a reconnu qu’il existait un point de crispation sur l’organisation du travail dans les usines.

« C’est de la gestion à la dernière minute, constate Franck Don, délégué central CFTC de PSA. Cela provoque désorganisation et même souffrance chez les salariés. La volonté de dimensionner les usines au juste nécessaire, voulue par M. Tavares et financièrement vertueuse, a ses limites. » Les syndicats ont récemment rencontré Maxime Picat, qui a la haute main sur la direction industrielle du groupe en Europe. Ce dernier se serait engagé à améliorer la situation. « Ce sont de bons problèmes, des problèmes de riches », tempère-t-on à la direction du groupe.