Corée du Nord : la diplomatie européenne espère favoriser une négociation
Corée du Nord : la diplomatie européenne espère favoriser une négociation
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Les services de Federica Mogherini s’alarment de certains propos du président américain Donald Trump et affirment vouloir éviter à tout prix un conflit militaire dans la péninsule.
L’Union européenne (UE) espère jouer un rôle de médiatrice pour tenter de désamorcer la situation « particulièrement critique », selon un diplomate bruxellois, que crée la multiplication des initiatives de la Corée du Nord. C’est, du moins, l’avis de certains pays membres, la Suède en tête. Dans l’entourage de la haute représentante Federica Mogherini, on évoque « la disponibilité à engager un dialogue », fondé sur une demande de la Corée du Sud et une possibilité de transposer l’expérience acquise par l’UE lors de la négociation sur le nucléaire iranien, en 2015.
Beaucoup de capitales, Paris en tête, sont toutefois sceptiques, redoutant qu’une telle initiative soit instrumentalisée par le régime dictatorial de Pyongyang. Et elles se demandent s’il serait bien utile de relancer un processus calqué sur le modèle du Groupe des Six, qui a regroupé les deux Corées, la Chine, les Etats-Unis, le Japon et la Russie. L’initiative avait permis de commencer des discussions en 2003, mais celles-ci s’étaient arrêtées six ans plus tard, après un test nucléaire de Pyongyang.
Réexamen de la politique de sanctions
La haute représentante européenne se veut dès lors prudente. Elle ne parle pas d’une initiative européenne, mais d’un soutien à une initiative régionale, lancée par la Corée du Sud et son nouveau président, Moon Jae-in, très favorable à une reprise du dialogue. Mme Mogherini mise toutefois sur la relative neutralité de l’UE dans ce dossier et sur le fait que sept pays membres conservent des ambassades à Pyongyang, ce qui devrait faciliter les échanges diplomatiques. Ces pays sont l’Allemagne, la Bulgarie, la Pologne, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Suède.
Lundi 17 juillet, les ministres des affaires étrangères des Vingt-Huit, réunis à Bruxelles, n’ont pas clairement prôné un engagement européen. Les conclusions de leur conseil ont certes évoqué l’hypothèse d’une négociation, mais couplée à un réexamen de la politique de sanctions à l’égard de la Corée du Nord.
Les ministres ont estimé que les récentes actions du régime, dont le tir d’un missile à portée intercontinentale, le 4 juillet, « constituent des violations flagrantes des obligations internationales (…) et mettent gravement en péril la paix et la sécurité internationales ». Les ministres invitent aussi le régime à « s’abstenir de toute nouvelle provocation ».
Les Européens prônent aussi la vigilance face à un régime qui multiplie les activités « pour engranger des devises fortes destinées à financer ses programmes d’armes nucléaires et de missiles balistiques ». Le communiqué final ne pointe cependant pas de manière explicite l’utilisation de main-d’œuvre nord-coréenne dans certains pays d’Europe de l’Est, dont la République tchèque. Ce travail, manifestement forcé, est une source de rentrées pour le régime.
Washington sceptique sur le rôle de Bruxelles ou Pékin
En fait, l’UE négocie discrètement depuis plusieurs semaines, avec la Corée du Sud mais aussi avec Pékin. Le dossier nord-coréen a été abordé le mois dernier à Bruxelles, lors de la visite du premier ministre Li Keqiang. Et plusieurs séances de discussion ont déjà eu lieu, pilotées par l’UE, qui a également convié Wu Dawei, l’envoyé spécial chinois pour le dossier coréen, à une prochaine rencontre à Bruxelles. Sa réponse a été positive.
Les services de Mme Mogherini s’alarment en réalité de certains propos du président américain Donald Trump et affirment vouloir éviter à tout prix un conflit militaire. Or, si elle doit d’abord être approuvée par les grandes capitales européennes, une initiative de Mme Mogherini devrait l’être aussi par Washington, où l’administration Trump ne cache pas son scepticisme. A l’égard du rôle de Bruxelles, mais aussi de Pékin, même si les relations entre cette dernière et Pyongyang se sont détériorées.
M. Trump a, par ailleurs, critiqué l’accord sur le nucléaire iranien, pour lequel l’UE s’est fortement impliquée, et il semble redouter que toute initiative visant à renouer un dialogue avec la Corée du Nord n’entrave ses propres démarches en vue d’obtenir un démantèlement complet de son arsenal.
Le Wall Street Journal a évoqué récemment les négociations très secrètes que Washington mènerait depuis un an avec le régime nord-coréen pour établir un canal diplomatique direct. Le département d’Etat aurait, par ailleurs, tenu de récentes réunions sur le sujet avec des officiels chinois.