« Barrage » : dans la malédiction de la maternité
« Barrage » : dans la malédiction de la maternité
Par Mathieu Macheret
Un drame psychologique sur la relation mère fille, interprété par des actrices également mère et fille, Isabelle Huppert et Lolita Chammah.
Barrage est le second long-métrage de la metteuse en scène luxembourgeoise Laura Schroeder (le premier était un film pour enfants, Le Secret de Mélusine, 2012), qui officie autant pour le cinéma que pour le spectacle vivant. Coécrit avec la romancière Marie Nimier (La Reine du silence, Je suis un homme), le film se présente comme une curieuse plongée dans les méandres de la relation mère-fille, déclinée sur trois générations et sur la scène confinée du dérèglement psychologique.
Après dix ans d’absence, Catherine (Lolita Chammah) revient au Luxembourg rôder auprès de sa fille Alba (Thémis Pauwels), qu’elle avait confiée pendant tout ce temps à sa mère Elisabeth (Isabelle Huppert). Mais elle redécouvre une enfant et une grand-mère trop solidement affiliées pour lui restituer sa place dans l’équation familiale. Alors, Catherine embarque Alba sur un coup de tête, pour une virée en voiture jusqu’au site lacustre, en rase campagne, où se trouve le grand chalet de ses parents. Enfermée contre son gré, la petite fille, méfiante, se retrouve face à une mère qui veut forcer leur relation et perd bientôt les pédales.
Malédiction de la maternité
Le film s’avère d’abord plutôt intrigant, dans une première partie côtoyant les rivages de l’inquiétude, révélant à l’endroit de Catherine une démence psychotique qui menace à tout instant d’éclater. Laura Schroeder fait un bel usage du cadre carré, resserré sur les êtres comme une cage d’incertitude, tandis que Lolita Chammah, avec sa diction « blanche », confère à son personnage une étonnante absence à lui-même.
Barrage trouve toutefois une limite en ceci qu’il laisse la folie de l’héroïne à l’état de latence, sans chercher à l’explorer ni à la laisser exploser, alors que celle-ci contenait sans doute une voie privilégiée vers l’irrationnel (le décor verdoyant du lac), c’est-à-dire vers cette malédiction venue du fond des âges qu’est la maternité. Le film fait au contraire le choix de la contenir et de la rationaliser, se révélant ainsi un simple drame psychologique, dont la seule particularité est d’être interprété par des actrices également mère et fille (Isabelle Huppert et Lolita Chammah). Celui-ci débouche néanmoins sur une observation : Catherine ne sera jamais une vraie maman, parce qu’elle est restée la fille de quelqu’un d’autre (la « sur-mère » vampirique que joue Isabelle Huppert). Et tant que les femmes n’auront que des rôles de fille ou de mère à s’échanger, elles ne seront évidemment pas libres d’elles-mêmes.
BARRAGE de Laura Schroeder
Film luxembourgeois et belge de Laura Schroeder. Avec Lolita Chammah, Thémis Pauwels, Isabelle Huppert (1 h 50). Sur le web : www.facebook.com/alfamafilms, alfamafilms.com