En Uruguay, le cannabis s’achète désormais en pharmacie
En Uruguay, le cannabis s’achète désormais en pharmacie
Par Christine Legrand (Buenos Aires, correspondante)
Dès mercredi, certaines officines commercialisent la marijuana à usage récréatif, sous contrôle de l’Etat. Une première au monde.
La révolution en herbe se poursuit en Uruguay avec, à partir du mercredi 19 juillet, la vente, sous le contrôle de l’Etat, de cannabis à usage récréatif dans certaines pharmacies. Pour l’instant, seize d’entre elles ont accepté d’assumer ce nouveau service et répondent à tous les critères de l’Institut de régulation et de contrôle du cannabis (IRCCA).
Après avoir formellement légalisé la marijuana en décembre 2013, l’Uruguay est devenu le premier pays au monde où le marché du cannabis, sa production et sa commercialisation sont entre les mains de l’Etat.
A l’origine de cette loi pionnière, l’ancien président de gauche et ex-guérillero, José « Pepe » Mujica (2010-2015), qui entendait combattre les narcotrafiquants en leur ôtant des gains de plus de 26 millions d’euros, mais aussi le crime organisé à l’origine d’une montée inédite de la violence dans ce petit pays de 3,4 millions d’habitants. La loi avait provoqué une énorme polémique dans la société uruguayenne mais aussi sur le plan international.
Montevideo repousse ainsi les limites des expériences menées dans les Etats nord-américains du Colorado et de Washington, aux Pays-Bas et en Espagne, qui autorisent ou tolèrent la production de cannabis dans un cadre privé. La loi va également à l’encontre de la Convention sur les stupéfiants des Nations unies (ONU), signée en 1961, prohibant l’usage du cannabis.
Dix grammes par semaine
Déjà les Uruguayens pouvaient légalement cultiver leur herbe dans une coopérative de quartier, ou chez eux, dans la limite de six plants par foyer et pour leur consommation personnelle.
Considérée comme une drogue douce, la marijuana est désormais en vente en pharmacie au prix de 1,30 dollar le gramme, soit moins cher que sur le marché noir. Toute personne inscrite au préalable sur les registres de consommateurs peut en acheter au maximum 10 grammes par semaine.
Pour éviter que l’Uruguay devienne une Mecque du cannabis, la législation précise que seuls les citoyens uruguayens peuvent cultiver chez eux la marijuana et l’acheter légalement en pharmacie. Au 10 juillet, selon l’IRCCA, 4 711 personnes se sont enregistrées sur les registres de consommateurs. La vente en pharmacies, qui suscitait notamment de nombreuses réticences chez ces dernières, avait été plusieurs fois repoussée.
Un pays pionnier
Le 1er octobre 2015, l’Etat a attribué deux licences de production et de distribution de cannabis à deux entreprises installées dans le pays, Symbiosys de capital uruguayen, et la multinationale Iccorp, autorisées à produire et à distribuer jusqu’à deux tonnes annuelles de cannabis. Les plantations se trouvent dans le sud-est du pays et leur sécurité est placée sous le contrôle du ministère de l’intérieur.
L’Uruguay est un pays laïque où la séparation de l’Eglise et de l’Etat remonte à 1919. C’est un pays d’avant-garde en matière de droits des minorités et de la législation sociale en général. Il a été pionnier en Amérique latine en abolissant l’esclavage en 1830 et la peine de mort en 1907. Le divorce y a été légalisé en 1913 et les femmes ont acquis le droit de vote en 1927. La légalisation de la prostitution date de 2002. Le mariage gay est légalisé depuis décembre 2012, soit quelques jours avant la France, et la loi autorise également l’adoption par les couples homosexuels. Par contre, l’avortement a été dépénalisé, en octobre 2012, mais seulement sous certaines conditions.