Vers la fin des tarifs réglementés dans le gaz et l’électricité
Vers la fin des tarifs réglementés dans le gaz et l’électricité
LE MONDE ECONOMIE
Le Conseil d’Etat a estimé que les prix régulés du gaz n’étaient pas conformes au droit européen.
L’UFC-Que choisir redoute une hausse des tarifs une fois ce référentiel de prix supprimé. | ALAIN JOCARD / AFP
« Très clairement, c’est la mort annoncée des tarifs réglementés de vente », aussi bien dans le gaz que dans l’électricité. Cette impression de Nicolas Mouchnino, chargé de mission à l’UFC-Que choisir, était partagée par tous les acteurs de l’énergie, des fournisseurs aux consommateurs, après la publication, mercredi 19 juillet, d’une décision du Conseil d’Etat. La plus haute juridiction administrative a décidé d’annuler un décret datant de 2013 encadrant les modalités de fixation des prix réglementés du gaz. Il avait été attaqué par l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode). Le motif est clair : ces tarifs sont « contraires au droit de l’Union européenne ».
Leur maintien « constitue une entrave à la réalisation du marché concurrentiel du gaz, sans que cette restriction respecte les conditions qui auraient permis de la regarder comme admissible au regard du droit de l’Union européenne », estime le Conseil d’Etat. « Il n’était plus possible de se fonder sur un objectif d’intérêt général pour justifier le maintien » de ces tarifs.
Si cette décision concerne 5,4 millions de particuliers, dont 5,2 millions sont alimentés par Engie (ex-GDF Suez), elle ne changera rien à leur contrat actuel. La mesure n’est pas rétroactive « compte tenu de l’incertitude grave qu’aurait fait naître une telle annulation sur la situation contractuelle passée de plusieurs millions de consommateurs », précise le texte. De plus, les dispositions de 2013 sont intégrées dans le code de l’énergie, en vigueur depuis 2016. Il revient donc à l’Etat de se prononcer sur cette question, d’autant que les contestations juridiques peuvent se poursuivre. La décision du Conseil d’Etat ouvre également la voie à une issue de même nature dans l’électricité.
Dès mardi, à la veille de la décision du Conseil d’Etat, Nicolas Hulot avait affirmé devant les sénateurs que la France allait devoir appliquer les demandes de Bruxelles. « On a des injonctions, on peut faire en sorte que ça soit lissé dans le temps, mais nous avons déjà repoussé l’échéance et il en va du gaz comme de l’électricité, à un moment ou à un autre, il faudra s’y plier », précisait le ministre de la transition écologique et solidaire. Semblant anticiper la décision du lendemain, il assurait que le gouvernement allait « faire en sorte que ça se fasse le moins douloureusement possible ».
« Protecteur pour les consommateurs »
« On va enfin devoir leur [les consommateurs] expliquer qu’ils ont la possibilité de choisir des offres qui sont bien plus intéressantes que les tarifs réglementés », apprécie auprès de l’AFP Fabien Choné, président de l’Anode, qui regroupe Direct Energie, Eni Gas & Power France, Gaz Européen, Lampiris, Planète OUI et SAVE. Depuis dix ans, les particuliers peuvent opter pour des contrats de fourniture de gaz en offres de marché, proposées à la fois par Engie et ses concurrents. Ces offres, souvent moins chères que les tarifs régulés, ont attiré 47 % des consommateurs résidentiels.
« C’était la preuve que concurrence et tarifs régulés ne sont donc pas antinomiques », constate Nicolas Mouchnino. L’intérêt est aussi que ce prix « sert de prix plafond pour le marché », explique l’UFC-Que choisir, redoutant une hausse des tarifs une fois ce référentiel supprimé. « Vous ne stoppez pas la voiture, mais vous lui enlevez les freins », ajoute de son côté Adrien Tchang-Minh, chargé de mission à l’Association nationale de défense des consommateurs et usagers. Cette association est également prête à s’opposer « à toutes tentatives de faire disparaître le tarif réglementé de vente, protecteur pour les consommateurs ».
La réaction a été vive du côté des syndicats. La CGT dénonce un « acte de guerre à l’encontre du service public de l’électricité et du gaz ». De son côté, FO y voit « une journée noire pour le service public » car le Conseil d’Etat « s’est incliné devant les injonctions de Bruxelles et a abdiqué toute volonté de limiter le tout-concurrence ».