Au Chili, une loi dépénalisant partiellement l’avortement repoussée par les députés
Au Chili, une loi dépénalisant partiellement l’avortement repoussée par les députés
Par Angeline Montoya
Le Sénat avait approuvé mercredi, en y apportant des amendements, un texte de loi autorisant l’IVG dans certains cas, mais les députés n’ont pas validé les modifications.
La présidente du Chili, Michelle Bachelet, à Veracruz (Mexique), en 2015. | REBECCA BLACKWELL/AP
Les femmes chiliennes devront encore attendre avant de pouvoir avorter légalement et continueront à encourir des peines de trois à cinq ans de prison en cas d’interruption volontaire de grossesse (IVG) clandestine. Contre toute attente, l’adoption définitive d’un projet de loi visant à dépénaliser au Chili l’avortement thérapeutique et en cas de viol a été retardée, jeudi 20 juillet, au Parlement.
En mars 2016, la Chambre des députés avait voté en première lecture ce texte-phare de la présidente, Michelle Bachelet. Mais il avait dû passer par plusieurs commissions, puis par le Sénat, qui l’avait amendé, avant de revenir à la Chambre basse. « C’est douloureux pour nous tous, a déclaré le sénateur socialiste Alejandro Guillier, et je sens que nous avons failli auprès des femmes chiliennes. »
Après un intense débat et de multiples tractations avec le gouvernement, les députés ont repoussé, à une voix près, les modifications du Sénat. Le projet de loi devra à présent passer devant une commission mixte paritaire chargée de trouver une version commune aux deux Chambres. Ce processus pourrait retarder l’adoption définitive de la loi de plusieurs semaines, jugent les observateurs.
Si le texte venait à être voté, les parlementaires de droite, dans l’opposition, ont annoncé qu’ils saisiraient le Tribunal constitutionnel (TC), ce qui retardera l’accès des femmes à l’avortement légal. D’autant plus que le futur président du TC, Ivan Arostica, qui doit prendre ses fonctions le 30 août et dont le vote pourrait être essentiel, est un conservateur opposé à la légalisation de l’IVG.
120 000 avortements clandestins pratiqués tous les ans
Bien que ne s’appliquant qu’à trois cas exceptionnels et précis (danger pour la vie de la femme enceinte, viol et non viabilité du fœtus), cette loi constituerait, si elle était finalement votée, une avancée vers la protection des droits des femmes au Chili. En l’absence de chiffres officiels, on estime qu’au moins 120 000 avortements sont pratiqués tous les ans, dans la clandestinité.
La dépénalisation de l’IVG est un des grands combats de la présidente socialiste, Michelle Bachelet (2006-2010, et depuis 2014) pédiatre de formation et ancienne ministre de la santé de 2000 à 2002. Elle tient à faire passer la loi avant la fin de son mandat, en mars 2018, et alors que la droite est donnée favorite dans les sondages en vue de la présidentielle du 19 novembre – élection à laquelle elle ne peut pas participer, la Constitution fixant la durée d’un mandat à quatre ans, sans possibilité de réélection immédiate.
Le Chili reste donc pour le moment dans la liste des quelque vingt pays qui, selon l’Organisation mondiale de la santé, interdisent l’avortement dans toutes les circonstances : le Salvador, le Nicaragua, le Surinam, Haïti et la République dominicaine sur le continent américain ; les Philippines et les îles Palaos en Asie-Océanie ; le Sénégal, la Guinée-Bissau, le Gabon, le Congo, Madagascar, Djibouti et la Mauritanie en Afrique ; Malte, Andorre, le Vatican et Saint-Marin en Europe.