TV: La « Queen » dans tous ses états
TV: La « Queen » dans tous ses états
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. Une soirée thématique d’Arte rend hommage à cette figure aimée du Royaume-Uni avec le film de Stephen Frears et deux documentaires (sur Arte à partir de 20 h 55).
"The Queen" - trailer
Il paraissait inévitable que, dans le cadre de « Summer of fish’n’chips », la grande épicerie cathodique britannique qu’a ouverte Arte du 14 juillet au 20 août, une soirée thématique soit consacrée à sa Très Gracieuse Majesté la reine Elisabeth II. Devenue d’ailleurs, de son vivant, un personnage de fiction volontiers traité au cinéma, au théâtre et à la télévision – comme en témoigne par exemple la récente série The Crown (2016), de Peter Morgan, diffusée par Netflix.
Une manière aussi de rediffuser The Queen (2006), de Stephen Frears – un film qui, en première partie de soirée, attirera vraisemblablement le grand public –, et… The Queen, un documentaire de Volker Schmidt-Sondermann et Ulrike Grunewald, déjà vu sur Arte en avril 2016, peu avant les célébrations du 90e anniversaire de l’immarcescible reine.
On avait alors eu l’occasion de dire combien ce portrait de la monarque semblait, hélas !, assez conforme à l’abaissement du niveau d’exigence dont témoigne à l’occasion Arte en matière de documentaires, confondant pipolisation et vulgarisation du propos.
Une superficialité déconcertante
Cette couture de documents d’archives et de scènes reconstituées, d’une superficialité déconcertante, ressasse avec vulgarité les frasques déjà bien connues de la princesse Diana, les fantasmes érotiques de son royal époux le prince Charles et de celle qui était alors sa maîtresse quasi officielle, Camilla Parker-Bowles… Ce qui, ainsi traité, n’ajoute guère d’intérêt au propos.
On avait déjà regretté que, en lieu de ce roman-photo hagiographique et privé de la moindre mise en perspective et du moindre débat contradictoire, Arte n’ait pas rediffusé l’excellent et singulier Ballade pour une reine (2012), de Don Kent. Dans ce récit à la fois personnel et historique, aigre-doux et nostalgique, le réalisateur faisait intervenir des historiens, écrivains, artistes et musiciens autrement plus convaincants que les intervenants filmés par Schmidt-Sondermannet Grunewald. Deuxième occasion ratée, donc.
« The Queen », de Volker Schmidt-Sondermann et Ulrike Grunewald
En revanche, mais seulement à minuit passé, on découvrira la première diffusion d’une autre documentaire, Il était une fois… « The Queen » (2017), de David Thomson, qui fait partie des nombreux programmes inédits que propose heureusement Arte au cours de ce « Summer of fish’n’chips ».
Sorte de « making of » du film de Stephen Frears, il décrypte ce qui allait être un grand succès international, récompensé notamment par l’Oscar de la meilleure actrice décerné à Helen Mirren, assez confondante il est vrai dans le rôle d’Elisabeth II. Il fait revenir ses protagonistes – réalisateur, acteurs, scénariste, etc. – sur ce qui paraissait alors comme une première et le bris d’un tabou : donner vie à l’écran à une reine en exercice.
Helen Mirren (Elizabeth II) et James Cromwell (le prince Philipp) | Pathé Films
Ce film traitait de la semaine qui – selon certains – faillit faire chuter la monarchie, du moins, plus raisonnablement, lui faire perdre son capital de sympathie au sein du peuple britannique : après l’annonce de la mort de Lady Di dans un accident d’automobile, à Paris, le 31 août 1997, la reine mit trop longtemps à montrer sa compassion au peuple dévasté par la nouvelle.
Helen Mirren, dont on sait qu’elle n’hésite pas à dire ce qu’elle pense, parfois avec une crudité que tempèrent ses excellentes manières et son humour so British, qualifie vertement ce drame national : « Il me semble qu’il y a eu une part d’hystérie dans tout cela. Les gens faisaient étalage de leur chagrin plutôt que de réagir avec une émotion mesurée face à cet événement tragique. » Si elle reconnaît que « tout le monde était sous le choc », la comédienne porte cette dernière salve : « Et puis je me souviens qu’il faisait beau. S’il avait plu, les choses auraient été différentes… »
Moqueur et d’évidence peu monarchiste, le réalisateur rappelle qu’il n’avait pas imaginé une seule seconde faire un film dont le personnage central serait Elisabeth Windsor. Celui qui avait secoué la vénérable Albion, en 1985, avec My Beautiful Laundrette – une histoire d’amour homosexuel dans le milieu pakistanais londonien, avec Daniel Day-Lewis – assure pourtant : « J’ai toujours espéré que mon film serait critique envers la monarchie mais qu’il témoignerait de la sympathie envers la personne de la reine. Si j’y suis parvenu, alors j’ai atteint mon but. »
C’est ce que tous les intervenants, y compris la monteuse du film, qui s’avoue « marxiste », s’accordent à penser. Et l’on a la réponse à la grande question que chacun se pose : la reine a-t-elle vu le film ? Alastair Campbell, qui fut, à cette période, le conseiller en communication de Tony Blair – autre personnage-clé du film de Frears, incarné assez génialement par Michael Sheen – la fournit en fin de documentaire.
The Queen, de Stephen Frears avec Helen Mirren, Michael Sheen, James Cromwell, Sylvia Syms, Alex Jennings (GB-EU, 2006, 98 min). The Queen, de Volker Schmidt-Sondermann et Ulrike Grunewald (All., 2016, 90 min). Il était une fois… « The Queen », de David Thomson (Fr., 2017, 52 min).