UE-Turquie : dialogue à « haut niveau » et sous haute tension à Bruxelles
UE-Turquie : dialogue à « haut niveau » et sous haute tension à Bruxelles
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Les deux parties ne se sont entendues que sur un point : il ne faut pas rompre le dialogue. Il se poursuivra dans les mois qui viennent, avec des débats sur l’énergie ou les relations économiques, ainsi qu’un sommet Turquie-UE, à Adana.
Le dialogue à « haut niveau », qui réunissait deux ministres turcs et deux commissaires européens, à Bruxelles, mercredi 26 juillet, n’aura pas entraîné de rupture entre Ankara et l’Union européenne (UE) mais, à l’évidence, il n’aura rien résolu. Les ministres turcs des affaires étrangères et des affaires européennes, Mevlut Cavusoglu et Omer Celik ont défendu l’idée qu’il fallait ouvrir de nouveaux chapitres de négociation en vue d’une adhésion de leur pays à l’UE ; la haute représentante Federica Mogherini et le commissaire à l’élargissement, Johannes Hahn, ont insisté sur le nécessaire respect de l’Etat de droit, de la démocratie, de la liberté d’expression et de réunion.
Les deux parties ne se sont vraiment entendues que sur un point : il ne faut pas rompre le dialogue. Il se poursuivra donc dans les mois qui viennent, avec des débats sur l’énergie ou les relations économiques, ainsi qu’un sommet Turquie-UE, à Adana.
« Personne ne peut dire qu’il n’y a pas de démocratie en Turquie »
En commençant la conférence de presse qui a suivi des échanges « francs, ouverts, constructifs », selon sa définition, Mme Mogherini a longuement insisté sur « les défis et intérêts communs », ainsi que les domaines de la nécessaire coopération entre Turcs et Européens : la sécurité, la lutte contre le terrorisme, les relations économiques et commerciales, la Syrie, les tensions dans le Golfe, l’Irak, sans oublier la migration et l’accord conclu pour éviter un nouvel afflux de migrants en Grèce. « Nous avons certes quelques points de désaccord, mais aussi beaucoup de sujets d’entente », a insisté la haute représentante.
En réponse, M. Cavusoglu s’est dit « heureux » de poursuivre la coopération avec Bruxelles. Il a toutefois appelé l’UE à respecter la totalité de ses engagements dans le cadre du « deal » migratoire et n’a fait qu’une brève allusion au sort des milliers d’opposants emprisonnés depuis le coup d’Etat de 2016, concédant que tous les élus hostiles à la politique du président Recep Tayyip Erdogan, ou tous les journalistes n’étaient peut-être pas, par définition, des terroristes. En tout cas, « personne ne peut dire qu’il n’y a pas de démocratie en Turquie », a affirmé le ministre des affaires étrangères
Omer Celik, qui mène les négociations d’adhésion pour son pays, a quant à lui défendu avec force l’idée qu’il faudrait ouvrir de nouveaux chapitres à la discussion – un seul, sur 35 a été refermé et le processus est, en réalité, totalement bloqué. M. Celik n’a pas évoqué les menaces du président Erdogan de stopper le processus ou d’approuver un rétablissement de la peine de mort, ce qui entraînerait son abandon immédiat par les Européens.
« Arrêter la négociation représenterait une perte pour la Turquie, comme pour l’UE » a commenté le ministre, ajoutant que, selon lui, il ne pouvait exister de « préconditions » à la poursuite des discussions.
Pas possible de reprendre les négociations d’adhésion
« La Turquie reste un pays candidat à l’accession et un partenaire stratégique », a tenu à souligner Mme Mogherini. Son collègue Johannes Hahn a apporté une nuance et suscité visiblement de la tension en rappelant qu’il n’était, en fait, pas possible de reprendre les négociations d’adhésion à la suite, entre autres, de la répression qui a suivi le putsch avorté et le référendum sur l’extension des pouvoirs présidentiels.
« Le Parlement européen ne peut pas entraver une décision du Parlement turc », a répliqué M. Celik, dans une allusion à la demande de l’assemblée de Strasbourg qui, en novembre 2016, exigeait le gel des négociations d’adhésion. Manfred Weber, le chef du groupe PPE (conservateurs) vient de redire, dans la presse allemande, qu’il fallait suspendre totalement ces discussions.
Le dernier point d’accrochage a concerné le sort des dirigeants d’Amnesty International arrêtés en même temps que d’autres défenseurs des droits de l’homme. Si les responsables turcs ont justifié cette détention en invoquant de raisons de sécurité, Mme Mogherini a tenu à indiquer qu’elle « appréciait » le travail de cette organisation « partout dans le monde ».