Un combattant de l’Armée syrienne libre, à Deraa, le 14  juillet 2017. | ALAA AL-FAQIR / REUTERS

« Une perte de temps dangereuse », a tweeté Donald Trump, mardi 25 juillet, pour décrire le programme de soutien de la CIA aux groupes combattant le président syrien Bachar Al-Assad. Sur ordre du président américain, il a pris fin. Officier de l’Armée syrienne libre (ASL) à Deraa, Ahmed Al-Mahamid n’est pas loin de penser que cette décision est un pistolet pointé sur la tempe de l’opposition. En particulier le Front du Sud, la coalition rebelle implantée dans le sud-ouest du pays, notamment à Deraa, berceau de la « révolution » syrienne, et jusqu’ici soutenue par Washington. Il s’agit de l’une des dernières formations armées homogènes de l’opposition modérée.

La région qu’elle contrôle est aussi la première zone où un cessez-le-feu a été instauré sous l’égide des Etats-Unis et de la Russie le 9 juillet. Or, selon M. Al-Mahamid, les détails de l’application de cet accord font toujours l’objet de tractations entre les rebelles et les Etats-Unis, chargés d’en négocier les termes avec la Russie. L’officier de l’ASL voit dans la décision américaine d’arrêter tout soutien à l’opposition anti-Assad un moyen de pression pour que cette dernière revoie ses prétentions à la baisse.

« Je ne suis pas convaincu que cette décision est définitive, mais ce qui est sûr, c’est que les Etats-Unis utilisent cette carte pour faire pression sur l’opposition. Il s’agit ni plus ni moins de nous pousser à faire des concessions pour que l’on se plie aux termes de l’accord américano-russe sans conditions », analyse M. Al-Mahamid. « Ce qui nous paraît clair, c’est que cette décision a été prise dans le cadre d’accords entre Américains et Russes. Et c’est l’accomplissement d’une volonté de Moscou et du régime syrien. Depuis le début de l’intervention russe en Syrie, en septembre 2015, Moscou n’a cessé d’appeler Washington à mettre un terme à son soutien à l’opposition modérée afin de faciliter une reconquête du régime et de ses alliés, au détriment de la plupart des régions insurgées. »

Mettre Washington face à ses contradictions

Chantage ou tentative de mettre Washington face à ses contradictions, M. Al-Mahamid rappelle que, si les Etats-Unis ont fait de la lutte contre l’organisation Etat islamique (EI) leur seule priorité, le groupe djihadiste est encore bien présent dans le sud du pays : « Les factions du Front du Sud devaient lancer prochainement une offensive contre l’EI dans la région de Yarmouk et l’ouest de la province [l’EI contrôle une poche adossée à la frontière israélienne d’où il mène des attaques contre l’opposition]. Il est clair qu’avec l’arrêt du soutien américain cette bataille va s’arrêter. »

« Cette décision américaine est donc une erreur monumentale qui nous laisse face à de réelles préoccupations : le combat contre l’EI et le manque de sérieux des Russes, prédit Ahmed Al-Mahamid. Les milices sectaires [nom donné par les rebelles aux milices chiites soutenues par l’Iran] ne se sont toujours pas retirées de la ville de Deraa, alors que c’est l’une des conditions que nous posons dans le cadre des négociations de trêve. »

Les « conditions » du Front du Sud qu’expose M. Al-Mahamid ont essentiellement trait à des mesures de confiance et des garanties politiques. « Parmi nos conditions, nous exigeons le retrait des milices iraniennes sur une profondeur de 40 kilomètres au-delà de la ville de Deraa. Nous voulons des assurances américaines : les Etats-Unis doivent s’engager à réagir dans le cas où Assad et la Russie ne respecteraient pas les conditions de la trêve. Et nous souhaitons que cet accord soit suivi d’une résolution contraignante du Conseil de sécurité de l’ONU. » Des demandes qui risquent de se heurter aux négociations entre grandes puissances. Loin de Deraa.