Quatre films où les professeurs savent mener leurs cours
Quatre films où les professeurs savent mener leurs cours
Par Eric Nunès
« SOS Fantôme », « Indiana Jones », « La Corde » et « Agora » dessinent, chacun à sa façon, des portraits d’enseignants du supérieur atypiques.
Bill Muray, Dan Aykroyd et Harold Ramis dans « SOS Fantômes » (1984), d’Ivan Reitman.
La phrase commence comme la logorrhée somnolente d’un cours magistral : « Si le taux d’ionisation est constant chez toutes les entités… » On imagine alors un grand amphithéâtre, des dizaines d’étudiants griffonnant passivement les mots du docteur Stantz, chercheur dans un établissement d’enseignement supérieur américain. Mais si le cinéma a souvent réservé une place de choix aux professeurs d’université, c’est rarement pour endormir les spectateurs. Ils sont successivement aventuriers, hilarants, séduisants, souvent charismatiques. Quels sont les enseignants (du cinéma) qui nous ont fait vibrer, frissonner et rire ? Le choix du Monde Campus en quatre films.
« SOS Fantômes »
« Si le taux d’ionisation est constant chez toutes les entités ectoplasmiques… on va pouvoir casser la gueule aux revenants », précise, le docteur Raymond Stantz (Dan Aykroyd) à ses compères, Peter Venkman (Bill Muray) et Egon Spengler (Harold Ramis), héros de SOS Fantômes, réalisé par Ivan Reitman en 1984. La scène se situe peu de temps avant que les trois scientifiques, parapsychologues déjantés, se fassent expulser par le doyen de la faculté de leur laboratoire de l’université de New York.
La petite bande se lance alors dans la mise hors d’état de nuire de tout ce que la Grosse Pomme compte de monstres divers, avant de tomber sur Gozer, un démon antédiluvien débarqué dans le monde des vivants. Plus de trente ans après la sortie du film, on rit (encore) des délires, on se surprend à remuer (encore) la tête à l’écoute de la chanson générique de Ray Parker junior. Et Sigourney Weaver est toujours magnifique en maîtresse femme hyperurbaine et possédée par le mal.
SOS Fantômes part.1
Durée : 19:29
« La Corde »
Le meurtre peut-il être un art réservé à l’élite ? André Gide avait exploré l’apologie de l’acte gratuit dans Les Caves du Vatican, roman paru en 1914. Alfred Hitchcock réalise en 1948 La Corde et s’empare du sujet.
Le professeur Rupert Cadell (James Stewart) disserte sur une forme de dandysme intellectuel qui veut que le meurtre soit l’apanage d’une élite susceptible d’infliger la mort à son gré dans la masse des êtres qu’elle jugera inférieurs. Deux de ses étudiants, Brandon Shaw (John Dall) et Phillip Morgan (Farley Granger), séduits par les théories de leur mentor, étranglent un de leur pair à l’aide d’une cordelette. Il exécute la parole du professeur comme une expérimentation apportant la confirmation de leur propre valeur. Les deux étudiants invitent à un cocktail des proches de la victime alors que sa dépouille est encore dans la pièce. Le professeur Cadell, seul être susceptible de reconnaître la valeur du crime est également convié…
rope
« La Dernière Croisade »
« L’archéologie est la recherche des faits, pas de la vérité. Si c’est la vérité que vous cherchez, la classe de philosophie du professeur Tyree est au bout du couloir », assène le professeur Indiana Jones (Harrison Ford) à ses étudiants, dans le troisième opus (La Dernière Croisade – 1989) des aventures éponymes (le quatrième peut être oublié). Enseignant, baroudeur, séducteur, le personnage façonné par George Lucas dépoussière l’image antique de l’enseignant en histoire.
Fouet à la main et fédora sur la tête, le professeur met à mal les ambitions de l’Allemagne nazie dans sa quête de domination. Dans ce volet, les forces hitlériennes ne doivent pas faire face à un professeur d’archéologie, mais à deux. Indiana est en effet épaulé par un médiéviste de renom, le professeur Henry Jones (père du premier) interprété par Sean Connery.
Aux cavalcades de l’aventurier s’additionne le flegme du rat de bibliothèque. L’ensemble est ciselé avec les dialogues drolatiques des règlements de comptes entre père et fils :
Henry Jones : « En réalité, j’ai été un père merveilleux. »
Indiana Jones : « Quand ? »
Henry Jones : « T’ai-je jamais dit de manger ta soupe ? D’aller au lit ? De te brosser les dents ? De faire tes devoirs ? Non, j’ai respecté ton intimité et je t’ai enseigné la confiance en soi. »
Indiana Jones : « Ce que vous m’avez appris, c’est que j’étais moins important pour vous que des types morts depuis 500 ans dans un autre pays. Et je l’ai si bien appris que nous n’avons quasiment pas parlé en vingt ans. »
Henry Jones : « Tu es parti juste quand tu commençais à devenir intéressant. Bien, je suis là maintenant. De quoi veux-tu qu’on parle ? »
Indiana Jones : « Je… je n’en ai pas la moindre idée. »
Henry Jones : « Alors, de quoi est-ce que tu te plains ? »
A Campus on a revu ce film sans se plaindre.
Indiana Jones et la dernière croisade (1989) bande annonce
« Agora »
C’est en 1884 que, pour la première fois, une femme passait le pas de la porte de l’université de La Sorbonne avec le statut de professeur. Il s’agit de Clémence Royer, philosophe et anthropologue. Agora (réalisé par Alejandro Amenabar en 2009) raconte l’histoire d’une autre femme, professeure tout autant : Hypatie (Rachel Weisz), initiée par son père aux mathématiques, elle élargit le cercle de ses connaissances à l’astronomie, à la philosophie.
En 400 après J. C., elle prend la tête de l’école néoplatonicienne de la cité d’Alexandrie, une influence de la raison grandissante incompatible avec les croyances des chrétiens, au pouvoir alors dans la capitale égyptienne. Hypatie est donc massacrée, en 415. Mille deux cents ans séparent les deux professeures. Le temps nécessaire pour que la rationalité renaisse des cendres laissées par l’obscurantisme ?
Agora Bande-annonce VF