A l’issue du vote, 545 membres de l’Assemblée constituante siégeront dans l’hémicycle du Parlement. | Fernando Llano / AP

Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, joue son va-tout dimanche 30 juillet pour se maintenir au pouvoir : l’élection d’une Assemblée constituante, qu’il qualifie de « super-pouvoir », tandis que ses adversaires y voient la preuve que son pays est en train de verser dans la « dictature ».

Voici ce qu’il faut savoir pour y voir plus clair sur un scrutin qui se déroulera dans un climat de tension extrême.

  • Pourquoi cette élection d’une Assemblée constituante ?

Pour le président Nicolas Maduro, l’objectif est de « perfectionner » la Constitution du pays, promulguée en 1999 par Hugo Chavez (mort en 2013). L’Assemblée aura les pleins pouvoirs pour refonder les institutions et la loi.

« C’est le grand pouvoir dont nous avons besoin pour mettre de l’ordre au Venezuela. Nous avons besoin d’un pouvoir qui soit au-dessus de ceux qui sabotent le développement du pays », a déclaré M. Maduro, qui assure que le vote sera « direct, universel et secret ».

Le chef de l’Etat, qui attribue le naufrage du Venezuela à une « guerre économique » livrée par les milieux d’affaires, assure que cette Assemblée permettra le redressement économique du pays pétrolier. L’Assemblée aura les pleins pouvoirs pour refonder les institutions et la loi.

  • Combien de députés siégeront à l’Assemblée à l’issue du vote dimanche ?

545 membres de l’Assemblée constituante siégeront à partir du 2 août, prenant la place des députés élus lors des législatives de décembre 2015.

L’opposition avait recueilli une large majorité, avec 7,7 millions de voix, contre 5,7 millions pour le parti chaviste de M. Maduro. La durée du mandat des membres de cette Constituante n’est pas définie.

Seuls 6 120 des quelque 50 000 candidatures ont été validées. La raison ? Le mode de désignation, fixé par le chef de l’Etat et approuvé par le pouvoir électoral, interdit les candidats provenant de partis.

Pourtant, de hauts responsables du pouvoir en place, membres du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) de Nicolas Maduro, y figurent, tels le député Diosdado Cabello, ou Adan Chavez, frère de l’ex-président Hugo Chavez. La quasi-totalité des candidats sont des inconditionnels du pouvoir.

Le président Nicolas Maduro lors d’un meeting à Caracas le 27 juillet. | CARLOS GARCIA RAWLINS / REUTERS

  • Comment les membres de cette Assemblée seront-ils élus ?

364 élus représenteront les circonscriptions municipales : chaque municipalité élit un constituant, sauf les capitales des Etats qui en auront deux, indépendamment de leur population. Le nombre d’élus par municipalité favorise les petites localités, au détriment des villes, où les mécontents s’expriment davantage.

173 seront désignés par des groupes sociaux (travailleurs, retraités, étudiants, paysans, handicapés, chefs d’entreprise…) et 8 par les communautés indigènes.

Un même électeur a ainsi le droit de voter deux fois, sur son lieu de résidence et auprès de la corporation à laquelle il est rattaché (une fois en tant qu’habitant d’une municipalité et l’autre en tant que membre d’une des catégories sociales). L’opposition crie au scandale.

Les machines électroniques ne prévoient pas le vote blanc.

  • Pourquoi l’opposition refuse-t-elle de participer au scrutin ?

Estimant le mode de désignation des candidats à la Constituante verrouillé et le type de scrutin trop favorable au chavisme, l’opposition a choisi de boycotter le processus électoral. Selon la coalition d’opposition de la Table de l’unité démocratique (MUD), le parti de Nicolas Maduro cherche, par ces règles électorales, à engranger un maximum de voix dans les zones rurales, considérées comme des bastions chavistes.

Les antichavistes estiment que le président cherche à s’accrocher au pouvoir, à contourner le Parlement élu et à éviter l’élection présidentielle prévue à la fin de l’année 2018. Ni les élections de gouverneur des Etats, prévues en 2016, ni les municipales de 2017 n’ont eu lieu, car le gouvernement est désormais minoritaire dans l’électorat.

En outre, la MUD assure que le chef de l’Etat était obligé, selon la loi, de soumettre à un référendum la convocation d’une élection pour une Assemblée constituante, ce que Nicolas Maduro conteste.

Les membres de l’opposition assurent que cette convocation n’aurait jamais été approuvée s’il y avait eu référendum. Selon l’institut de sondage Datanalisis, sept Vénézuéliens sur dix rejettent la Constituante et la gestion du président. La MUD met en avant le fait qu’Hugo Chavez avait, lui, consulté la population avant de modifier la Constitution en 1999.

  • Une participation minimum est-elle exigée ?

Il n’y a pas de seuil minimum, mais une forte abstention pourrait bien porter atteinte à la légitimité de la Constituante. D’autant que l’opposition avait réuni 7,6 millions de votes le 16 juillet, selon ses estimations, lors du référendum symbolique contre le projet de Nicolas Maduro.

Mais la double participation de certains électeurs pourrait largement avantager le parti au pouvoir. Aucun observateur international n’est prévu pour ce scrutin.

  • Dans quel contexte se tient cette élection ?

Premier exportateur de pétrole d’Amérique, autrefois immensément riche, le Venezuela fonctionne au ralenti depuis la victoire de l’opposition aux législatives de fin 2015, qui a mis un terme à dix-sept ans d’hégémonie chaviste.

Asphyxié par la chute des cours du brut, source de 96 % de ses devises, le pays vit également l’une des pires crises économiques de son histoire. Son inflation, stimulée par les pénuries d’aliments et de médicaments, est devenue totalement incontrôlable. Elle culmine à 720 % cette année selon le Fonds monétaire international (FMI).

Plus de 110 manifestants ont été tués depuis début avril. | UESLEI MARCELINO / REUTERS

Depuis début avril, les manifestations d’opposants se succèdent de façon quasi quotidienne, à Caracas et dans tout le pays. Plus de 110 manifestants ont été tués en un peu plus de quatre mois, la plupart par des balles tirées par les gendarmes ou par les groupes ­paramilitaires du régime, les « collectifs ». Une grève générale de quarante-huit heures, organisée par la coalition d’opposition, a paralysé le pays mercredi et jeudi. Samedi, l’opposition avait à nouveau appelé àmanifester, sans parvenir à mobiliser fortement.

Défiant l’interdiction du gouvernement de manifester, l’opposition appelle à bloquer les rues du pays jusqu’à dimanche contre le projet de Constituante. Dans un des pays les plus violents au monde, ce climat explosif fait craindre de nouveaux incidents d’ici le jour du vote.