La première d’une série de mobilisations contre le président Joseph Kabila, en République démocratique du Congo (RDC), s’est soldée, lundi 31 juillet, par l’interpellation de dizaines de manifestants et journalistes dans plusieurs villes de ce pays englué dans une crise politique profonde. L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International parle d’« une centaine de personnes arrêtées, y compris des journalistes qui couvraient les manifestations ».

Le mouvement congolais de jeunes indignés Lutte pour le changement (Lucha) avait appelé à « une marche pacifique », sur toute l’étendue de la RDC, « pour dire non à la présidence à vie de M. Kabila et exiger les élections avant la fin de cette année ». Des élections devaient être organisées d’ici à la fin de 2017, conformément à l’accord conclu le 31 décembre 2016 entre majorité et opposition après l’expiration du mandat du président Kabila, une dizaine de jours plus tôt. Mais, le 7 juillet, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a estimé qu’il n’était « pas possible » de tenir ce calendrier.

Coups de matraques

A Goma, dans l’est du pays, plus de 250 manifestants ont répondu à l’appel, soutenu par plusieurs coalitions et des personnalités d’opposition comme Moïse Katumbi. A Kinshasa, la capitale, une centaine de personnes ont convergé dans le centre, vers le boulevard Triomphal, lieu de départ prévu pour la marche ; elles ont été dispersées à coups de matraque par un important dispositif policier, selon des témoins.

« Une quarantaine de personnes ont été interpellées à Goma, 17 à Kinshasa, une dizaine à Butembo ; à Bukavu et à Lubumbashi aussi », a déclaré à l’AFP le porte-parole de la police nationale, le colonel Pierrot-Rombaut Mwanamputu, indiquant que les manifestants avaient violé la loi en ne suivant pas la procédure en matière de manifestations publiques dans le pays. « Toutes les personnes interpellées dans le cadre de ces manifestations illégales à travers le pays seront libérées », a ajouté l’officier.

Selon Amnesty International, « les forces de sécurité congolaises ont fait usage de grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles sur des manifestants pacifiques dans six des onze villes concernées », à savoir Goma, Butembo, Beni, Bukavu, Lubumbashi et Kinshasa. L’ONG affirme par ailleurs qu’« au moins quatre manifestants ont été blessés, dont un grièvement ».

Gaz lacrymogènes

Dès lundi matin, dans plusieurs villes de la RDC, des manifestants ont affronté les policiers qui les empêchaient de marcher vers les sièges locaux de la CENI. A Goma, ils sont parvenus à briser le cordon de la police et à déposer un mémorandum au responsable de la commission. Les cinq personnes chargées de déposer le mémorandum ont été conduites ligotées vers un cachot de la police, selon un correspondant de l’AFP. A Butembo, toujours dans le Nord-Kivu, onze militants ont été « brutalement interpellés, l’un d’entre eux saignait », a déclaré un prêtre.

A Bukavu, capitale du Sud-Kivu, des manifestants qui se rassemblaient sur la place de l’Indépendance ont été dispersés à coups de gaz lacrymogènes par la police, selon un correspondant de l’AFP. Vers 11 heures, dans la même ville, deux journalistes de la chaîne de télévision privée Canal Futur ont été malmenés, leurs matériels arrachés par la police, avant d’être libérés quelques heures plus tard, selon le même correspondant ; des informations confirmées par le directeur de la chaîne, Jean-Baptiste Baderha. Un journaliste de l’antenne locale de la télévision d’État a également été brièvement interpellé.

Patrouilles pédestres

La police anti-émeute a été déployée dans le centre de Kinshasa, sur le boulevard Triomphal et au siège du Parlement. Des patrouilles pédestres et motorisées étaient visibles sur les abords de ce lieu d’où devait partir la marche jusqu’au siège de la CENI. Sept journalistes qui s’y trouvaient ont été interpellés puis relâchés avec consigne de « vider les lieux ».

A Lubumbashi (sud-est), toutes les activités se sont déroulées « normalement » malgré une présence policière et militaire inhabituelle, selon plusieurs témoins interrogés par l’AFP. Néanmoins, cinq personnes ont été interpellées lundi, après la prière dans une paroisse catholique Regina Mundi située non loin du bureau de la CENI. Le chef de la police de la province du Haut-Katanga, le colonel Paulin Kyungu, qui a confirmé ces arrestations, a précisé que parmi ces personnes se trouvaient quatre membres de Lucha. Selon un journaliste de l’AFP, un journaliste de Radio Okapi, la radio onusienne en RDC, fait partie des personnes interpellées.

Luc Nkulula de la Lucha : « L’essentiel est que la population congolaise se lève pour ses intérêts »
Durée : 09:14

D’autres manifestations sont prévues en RDC au cours des prochains mois.