Le régime végétarien devient nuisible si les aliments sont trop transformés
Le régime végétarien devient nuisible si les aliments sont trop transformés
Par Benoît Crépin
Une alimentation basée sur des produits végétaux bruts est en revanche très bénéfique pour le cœur et les artères, confirme une étude de l’université Harvard.
Pour les végétariens, pas de déclaration universelle : tous ne naissent ni ne demeurent égaux. Chaque adepte d’une alimentation par les plantes n’a en effet pas les mêmes garanties en matière de santé. Parfois, tout miser sur les vertus du végétal peut aussi se révéler néfaste pour le cœur et les artères, comme le suggèrent les résultats de scientifiques américains de l’université Harvard.
Au terme d’une vaste étude statistique, une équipe de chercheurs en nutrition à la Chan School of Public Health de Boston (Massachusetts) est parvenue à analyser l’alimentation végétale avec une finesse inédite. Publiés le 25 juillet dans le Journal of the American College of Cardiology, les travaux se distinguent en effet par la nuance portée à l’examen des régimes à base de plantes. « Les études antérieures n’établissaient jusqu’à présent aucune distinction entre les types d’aliments végétaux et leurs divers effets sur la santé », pointe Ambika Satija, auteure principale.
D’autres équipes s’étaient jusqu’alors cantonnées à étudier les régimes végétaux au sens large, sans se préoccuper du degré de transformation et des modes de consommation des aliments. Ces paramètres font désormais partie eux aussi des accusés, alors que de nombreux travaux pointaient déjà le rôle de la viande ou les méfaits du sucre dans l’augmentation des pathologies cardiaques.
Une étude statistique d’ampleur
Pour aboutir à ces conclusions, les nutritionnistes ont mis en place un vaste suivi auprès de plus de 200 000 hommes et femmes, âgés de 25 à 75 ans, et exempts, au départ, d’une quelconque maladie cardio-vasculaire. Cette étude de cohorte s’est déroulée en trois phases, étalées de 1984 à 2013. Tous les deux ans, les sondés ont répondu à un questionnaire consacré notamment à leurs comportements alimentaires, et à leur historique médical. A l’issue de cette abondante collecte de données, les scientifiques ont élaboré un indicateur inédit, baptisé PDI, pour plant-based diet index.
La base du protocole repose sur le calcul d’un PDI dit « global », selon un principe binaire : un score positif pour les plantes, négatif pour les denrées animales. Une valeur élevée correspond à une alimentation riche en végétaux, quelle qu’en soit la forme ou la nature. Au sein de la cohorte, l’indice statistique varie ainsi de 24 à 85. Mais toute l’innovation repose sur sa déclinaison en deux sous-indices : le « sain » et le « malsain ».
Le premier confère un poids plus grand aux céréales complètes ainsi qu’aux fruits et légumes sous leurs formes les plus brutes. Ainsi, plus le score est élevé, plus le régime est riche en végétaux de qualité. Pour le second, en revanche, plus la valeur est haute, moindres sont les qualités nutritionnelles du régime. Le PDI malsain attribue en effet un score positif aux céréales raffinées, aux boissons sucrées telles que les jus de fruits, ou même aux fritures. Autant d’aliments d’origine végétale, certes, mais retravaillés en profondeur par l’industrie : les produits dits « ultratransformés ».
Corréler santé cardiaque et régimes riches en végétaux
« Ces aliments sont riches en sel, sucres, graisses ajoutés et pauvres en micronutriments. Tous ces facteurs amplifient le risque cardio-vasculaire », explique le Dr Anthony Fardet, chercheur à l’Institut national de recherches agronomiques (INRA) et auteur de l’ouvrage Halte aux aliments transformés, mangeons vrai (paru le 15 juin aux éditions Souccar).
L’ensemble des questionnaires accumulés au terme du suivi a fourni le détail du régime alimentaire de chacun des participants. Les chercheurs ont alors analysé ces résultats pour les quelque 200 000 volontaires, et calculé leurs différents PDI. Ils disposaient également d’une information-clé : la fréquence des infarctus du myocarde, mortels ou non. Au total, 8 631 sondés avaient souffert de cet accident cardiaque. L’ultime étape du travail fut de croiser ce chiffre avec les PDI, pour tenter d’établir un lien entre eux.
L’analyse statistique a tout d’abord révélé une proportionnalité inverse entre la valeur du score nutritionnel global et le risque cardio-vasculaire. Au cours de précédents travaux, les chercheurs avaient d’ailleurs déjà identifié ce même rapport pour le diabète de type 2. Les coronaropathies, elles aussi, touchent donc d’autant moins les membres du panel aux meilleurs PDI.
« Nous avons calculé une diminution du risque de l’ordre de 8 % grâce aux régimes globalement les plus riches en végétaux »,
précise la postdoctorante Ambika Satija. Mais les travaux ne se cantonnent pas à cette première conclusion.
Une étude inédite par sa nuance
Leur caractère inédit repose avant tout sur l’analyse plus fine des régimes reposant sur les plantes, comme le confirme le chercheur français Anthony Fardet : « Ces travaux sont les premiers à faire aussi clairement la distinction entre les aliments selon leur degré de transformation. »
La tendance générale se renforce en effet pour la version « saine » du PDI. « Adopter les variantes les plus équilibrées de régime peut ainsi permettre de réduire jusqu’à 25 % les risques de coronaropathie », s’enthousiasme Mme Satija. Un régime par les plantes est donc d’autant plus bénéfique que sa composition repose sur des fruits, légumes et céréales aux formes les plus brutes possibles.
Mais surtout, le rapport s’inverse avec le PDI « malsain » : les aliments ultratransformés, tout végétaux qu’ils sont, augmentent fortement la fréquence des maladies coronariennes. « On associe les variantes les moins bénéfiques avec une augmentation des risques de plus de 30 % », alerte Ambika Satija.
Ces résultats pourraient ainsi mieux guider dans leur quête de santé les 3 % de Français végétariens. La moitié d’entre eux déclarent en effet avoir adopté ce régime « pour leur santé », selon un sondage OpinionWay de 2016. Au-delà du diabète et des maladies cardio-vasculaires, les chercheurs prévoient aussi d’exploiter leur fameux PDI pour établir d’éventuels liens entre alimentation végétale et d’autres pathologies, telles que l’obésité.