Film sur Ciné+ Frisson à 20 h 45

The Informant! - Trailer

Voilà exactement le type de film qui destine le critique au lynchage. Steven Soderbergh a en effet tendu le mécanisme de cette comédie d’espionnage industriel sur deux ressorts destinés à sauter à la figure du commentateur : l’ambiguïté du récit et le twist ending, cette fin surprise qui conduit à relire tout le film sous un angle inattendu. Donc, raconter, c’est marcher sur des œufs.

L’histoire s’inspire de l’aventure de Mark Whitacre, biochimiste et cadre supérieur chez un géant américain de l’agroalimentaire, Archer Daniels Midland, qui devint, de 1992 à 1996, une taupe du FBI au sein de l’entreprise.

Fausses pistes et double jeu

L’action est filmée dans la ville même où se trouve l’entreprise, à Decatur, dans l’Illinois (Etats-Unis). Matt Damon joue le rôle de ce golden boy replet, parangon de ringardise. Averti d’une fuite industrielle par un de ses contacts japonais, Mark s’en ouvre aussitôt à ses patrons, qui mettent le FBI en relation avec lui pour tenter de coincer la source indélicate. Le film lance ainsi une première fausse piste. Il y en aura d’autres, disposées sous les pieds de spectateurs. Contre toute attente, Mark devient à son tour informateur, en confiant au FBI ses soupçons concernant l’entente illicite entre ses patrons et leurs concurrents sur le prix d’un complément alimentaire. Reste à le prouver.

Voici donc le transpirant Whitacre transformé en 007 techno­logique, bardé de micros et de caméras, lancé dans un formidable double jeu destiné à faire triompher la vérité. Mais quelle vérité, au juste ? La clé du film est à chercher dans la troublante personnalité de Whitacre. Improbable mélange d’inspecteur Clouseau, de Fantômas et de Monsieur ­Homais, cet homme entraîne tout le monde, y compris le FBI, dans la sarabande d’un plan où il finit lui-même par se perdre.

Matt Damon (Mark Whitacre) dans « The Informant ! ». | WARNER

Dans cette trame authentique où, une fois de plus, la réalité aura dépassé de très loin la fiction, il revient néanmoins à la fiction de lui conférer son inquiétante loufoquerie. S’ajoute un atout majeur : l’interprétation de Matt Damon. Lesté d’une quinzaine de kilos supplémentaires, affublé d’un imper mastic, d’une perruque aux allures de soufflé, d’une moustache à côté de la plaque et de lunettes rectangulaires anti-héroïques, il est proprement méconnaissable et confondant de justesse dans ce rôle où la veulerie le dispute au génie.

The Informant !, de Steven Soderbergh. Avec Matt Damon, Scott Bakula, Melanie Lynskey (EU, 2009, 107 min).