Deuxième volet d’une trilogie à succès réalisée par Dino Risi, Belles mais pauvres (Belle ma povere) ressort mercredi 2 août en version restaurée dans sept salles, à Paris, Grenoble et Strasbourg. Tourné en 1957, il reprend les personnages du précédent opus, Pauvres mais beaux (Poveri ma belli), deux banlieusards romains, incarnés par Renato Salvatori et Maurizio Arena, amoureux chacun de la sœur de l’autre (Lorella De Luca et Alessandra Panaro). Risi réalisera deux ans plus tard le troisième et dernier chapitre de cette minisaga, Pauvres millionnaires (Poveri milionari).

Davantage construits comme des chroniques constituées d’une suite de séquences autonomes que comme des récits classiques, ces films, relevant essentiellement de la comédie de mœurs, d’un optimisme indécrottable, valaient surtout comme inscription symbolique et métaphorique de ce que devenait l’Italie de la fin des années 1950. Alors que les deux hommes – chacun inquiet, en bon mâle latin, de l’assiduité dont témoigne l’autre vis-à-vis de sa sœur – ne semblent guère pressés de s’intégrer dans la société, les deux jeunes femmes tentent de convaincre leurs petits amis de trouver un travail, préalable à ce projet de mariage auquel elles semblent tenir plus qu’à eux.

Une Italie en plein bouleversement

On imagine bien le profit intellectuel que pourraient tirer du film de Risi ceux qui ne voient le cinéma que comme une trace symptomatique de la société à travers les rapports hommes-femmes. D’un côté, les jeunes filles assoiffées à la fois de réussite sociale et de vie rangée, de l’autre les garçons, plutôt paresseux et facilement volages.

Ces appétits peuvent aisément être vus comme la représentation d’une Italie en plein bouleversement, désireuse et inquiète d’une modernité dans laquelle va la faire entrer le miracle économique. C’est ainsi que le bouillonnement brouillon des désirs amoureux, mais aussi la manière dont ceux-ci sont finalement contenus dans une limite très morale, incarne tout à la fois le désir d’une société de consommation mais aussi la conscience obscure et craintive d’une capacité de destruction de celle-ci.

Le mirage d’un avenir radieux

Cette trilogie de Dino Risi est exemplaire d’une catégorie de la comédie à l’italienne durant cette brève époque, un sous-genre qui rencontre un grand succès alors et dont des cinéastes comme Luigi Zampa – La Chasse aux maris (Ragazze d’oggi), 1955 – ou Luigi Comencini – Maris en liberté (Mariti in citta), 1957,ou Femmes dangereuses (Mogli pericolose), 1958 – ont aussi fourni quelques exemples. Le rire y est confiant dans un avenir radieux où tout un pays s’imaginait profiter des fruits de la croissance en ayant l’illusion de pouvoir conserver ce qui y caractérisait fondamentalement les relations sociales et individuelles.

Deux ans après le troisième titre de sa série, Dino Risi réalisait Une vie difficile (Una vita difficile), chef-d’œuvre de la désillusion et de l’amertume, regard consterné sur ce que le boom économique avait fait des Italiens et de leurs aspirations. Si la série inaugurée par Pauvres mais beaux ne constitue pas ce que l’auteur de La Marche sur Rome (La Marcia su Roma) a fait de plus incisif et de plus fort, il se révèle néanmoins une étape exemplaire dans une carrière qui mènera le cinéaste vers une cruelle et vacharde lucidité.

Belles mais pauvres (Dino Risi, 1957) - Bande-annonce

Film italien de Dino Risi (1957). Avec Renato Salvatori, Marisa Allasio, Maurizio Arena, Lorella De Luca (1 h 39). Sur le Web : lesfilmsducamelia.com