L’avis du « Monde » – à voir

Naples est un inépuisable réservoir de fiction pour le cinéma italien. De Roberto Rossellini à Mario Martone, en passant par Francesco Rosi, sa beauté tragique inspire tous les styles. Celui de Leonardo di ­Costanzo est plutôt âpre et naturaliste, documenté et attentif aux soubassements sociaux de ses intrigues, anti-baroque au point d’en paraître revêche. Après L’Intervallo en 2012, récit minimaliste de la séquestration d’une jeune fille surveillée par un jeune camorriste sensible à ses charmes, il consacre sa nouvelle fiction à une histoire très simple d’apparence, en vérité très complexe, tirant vers le dilemme moral.

Lire la critique (parue lors du Festival de Cannes) : « L’Intrusa », un cas d’école et de conscience à Naples

Giovanna, sèche et vaillante sexagénaire, est une travailleuse sociale qui gère dans la banlieue de Naples un centre d’aide pour enfants en difficulté, au prix d’une politique à la fois rigoureuse et ­risquée, prise en étau entre les voyous et la police, toujours sur le fil dans une ville en tension ­permanente. Le jour où la jeune Maria et ses deux enfants lui demandent asile, sans toutefois lui préciser que le père de famille, ­mafieux notoire, se cache avec eux, les ennuis commencent. ­Arrêté lors d’une descente de police, le voyou laisse derrière lui sa femme et ses enfants, et à Giovan­na une situation plus que délicate.

Fragile édifice moral

Réticente à exclure la mère et les enfants, elle s’aliène les parents et certains de ses collègues, au nom d’une règle tacite qui fait de ce lieu un sanctuaire où la délinquance n’a pas prise. Briser cet ­accord revient, pour les partisans de l’exclusion, à exposer l’institution, à mettre en danger le fragile édifice moral sur lequel elle repose et auquel elle doit le respect dont elle jouit. D’autant que certains parents ont été victimes des exactions de l’époux de Maria, dont l’attitude, farouche, sur la défensive, presque hostile, met de l’huile sur le feu.

Filmé sans chichis et sans vedettes, dans un lieu qui veut se soustraire à la fatalité et à la hauteur de ces héros ordinaires qu’il entend honorer, L’Intrusa pose la question du courage citoyen et de l’utopie sociale, telle que la réalité s’achar­ne, chaque jour, à les décourager et à les ruiner. Un film fragile, opiniâtre, sans grand recours romanesque, tenu par sa foi.

L’INTRUSA - LEONARDO DI COSTANZO / FILM ANNONCE
Durée : 01:35

Film italien de Leonardo di Costanzo. Avec Raffaella Giordano, Valentina Vannino, Martina Abbate (1 h 35). Sur le Web : www.capricci.fr/intrusa-l-2017-leonardo-di-costanzo-422.html et www.les-bookmakers.com/films/lintrusa