Mondiaux d’athlétisme : Justin Gatlin fait trébucher Usain Bolt
Mondiaux d’athlétisme : Justin Gatlin fait trébucher Usain Bolt
L’Américain a remporté la finale du 100 m à la surprise générale. Le Jamaïcain, qui disputait sa dernière finale individuelle, termine troisième, derrière Christian Coleman.
Stupeur dans les tribunes du stade olympique de Londres samedi 5 août, où la finale du 100 m tant attendue s’est conclue par l’improbable victoire du paria américain Justin Gatlin, 35 ans, devant son compatriote Christian Coleman. Usain Bolt termine troisième, Jimmy Vicaut sixième.
La perf
Un moment de stupéfaction. Un silence de mort. Puis une bronca, énorme. C’est peu dire que la conclusion de la finale du 100 m de Londres, samedi soir, a surpris. Non pas à cause de la présence d’un génial streaker qui a amusé le public quelques minutes en amont de LA course de la soirée, avant de se faire arrêter par des agents de sécurité. Mais tout simplement parce qu’Usain Bolt vient de terminer la course à une surprenante troisième place. Et que ce simple fait est difficile à réaliser.
Interloqués, sonnés, les spectateurs du stade olympique ont mis quelques secondes avant de réaliser que le nouveau champion du monde s’appelait Justin Gatlin. Comment dit-on boire le calice jusqu’à la lie en anglais ? L’Américain, pris plusieurs fois par la patrouille antidopage au cours de sa carrière, n’a cessé de se faire huer depuis le début de la compétition. C’est pourtant bien lui qui l’a emporté (9 s 92), avec ses vieilles guiboles de 35 ans. Treize ans après son titre olympique à Athènes, douze ans après son sacre mondial à Helsinki sur 100 m, Gatlin a remis le couvert avec l’appétit d’un jeunot. Alors les huées ont repris de plus belle. Derrière Gatlin, son compatriote Christian Coleman (9 s 94), tout juste 21 ans, souffle l’argent à Bolt (9 s 95).
Comme le dit l’adage, on n’a jamais une deuxième chance de faire une bonne première impression. Inventons son corollaire sportif : réussir ses adieux est une tâche difficile, d’autant plus quand on a passé son temps à faire très forte impression au cours de sa carrière. Avant même le début de la soirée, on savait qu’Usain Bolt, plus si souverain, devait affronter un problème de riche.
Seul le bronze lui manquait
Pour résoudre ce genre d’équation, l’or est souvent la solution. Mais, samedi, le Jamaïcain n’a jamais été en mesure de rattraper un départ et une première moitié de course médiocres. Son compteur restera donc bloqué à onze titres mondiaux. Maigre consolation, il peut désormais dire qu’il détient tous les types de métaux, puisque seul le bronze manquait à sa collection.
Samedi, c’était une soirée à compter les heures, puis les minutes et enfin les secondes avant la ligne droite tant attendue. A palper la tension croissante, à mesure que la finale du 100 m approchait. Il y avait dans les tribunes plus de drapeaux de la Jamaïque que de bannières de l’Union Jack dans les tribunes du stade olympique. Bolt courait à domicile. « Il semblerait qu’une bonne part de Kingston soit à Stratford ce soir », résuma le speaker.
A l’heure de la mise en bouche, aux alentours de 19 heures, fuseau de Greenwich, les demi-finales avaient déjà livré quelques indications. Elles étaient trompeuses. L’Américain Justin Gatlin se qualifiait mais semblait pour une fois faire son âge, derrière le Sud Africain Akani Simbine. Usain Bolt terminait un souffle derrière le jeune Américain Christian Coleman (9 s 98 contre 9 s 97), pourtant l’impression qu’il laissait dans les 40 derniers mètres, rattrapant son retard accumulé en début de course, laissait présager une issue heureuse. Jimmy Vicaut, lui grattait une place en finale - il terminera sixième (10 s 08).
Deux heures plus tard, donc, ces impressions étaient balayées. « Usain, nous voulions vous voir en or, mais regardez, vous êtes aimé », lui disait le speaker lors d’un tour d’honneur au goût particulier. Le stade scandait « Usain, Usain », pour sortir de sa torpeur. « C’est magnifique, j’apprécie le soutien que vous m’avez apporté, déclara simplement le Jamaïcain, même si je suis déçu. »
De l’autre côté de la piste, Justin Gatlin, drapé dans sa bannière étoilée, suscitait l’indifférence et quelques sifflets. Et si le coup est assurément rude pour Bolt sur le plan sportif, difficile, au final, de dire quel était le réel vainqueur de la soirée. Il est des ambiances qui en disent plus que des médailles. Pour le Jamaïcain, il restera le relais 4x100 m, dont la finale est prévue samedi 12 août, pour conclure définitivement ses adieux.
C’est (vite) vu
Almaz Ayana court trop vite pour régler la netteté. | JEWEL SAMAD / AFP
« Mon dopage, c’est l’entraînement et la foi », affirmait Almaz Ayana, un brin mystique, après son hallucinant record du monde du 10 000 m (29 min 17 s 45) aux Jeux de Rio, à l’été 2016. Un an plus tard, sur la même distance, l’Ethiopienne, 25 ans, a beau avoir mis une minutes de plus pour boucler les 25 tours de piste (30 min 16 s 32), elle a à nouveau largué ses adversaires dans des proportions incroyables. Et si la foi a peut-être joué un rôle – on ne s’est pas encore fait de religion sur le sujet –, ce qui est sûr c’est que l’entraînement a été plutôt succinct cette saison.
Son manager, Jos Hermens, l’avait dit avant la course : sa protégée n’a pas pu courir de tout le mois de mai en raison d’une blessure à un mollet. On ne l’a pas vu de toute la saison, en compétition. Heureusement, se diront peut-être ses adversaires, ça leur a évité quelques humiliations. Mais sûrement pas quelques interrogations. Car sa compatriote Tirunesh Dibaba et la Kényane Agnes Tirop, respectivement deuxième et troisième, terminent tout de même à plus de 45 secondes. Soit presque 300 mètres de retard. Vertigineux.
Luvo Manyonga dans ses oeuvres. | FABRIZIO BENSCH / REUTERS
Favori du saut en longueur, le Sud Africain Luvo Manyonga, dont nous brossions le portrait ici, s’est imposé en finale des Mondiaux, samedi. Sa marge ? Quatre petits centimètres qui suffisent à faire son bonheur. L’Afrique du Sud réalise un coup double sur le podium, puisque Ruswahl Samaai termine troisième, derrière l’Américain Jarrion Lawson.
Les podiums du jour
Lancer de disque masculin : 1. Andrius Gudzius (Lituanie), 69,21 m. 2. Daniel Stahl (Suède) 69,19 m. 3. Mason Finley (Etats-Unis) 68,03 m.
Saut en longueur : 1. Luvo Manyonga (Afrique du Sud) 8,48 m. 2. Jarrion Lawson (Etats-Unis) 8,44 m 3. Ruswahl Samaai (Afrique du Sud), 8,32 m.
10 000 m féminin : 1. Almaz Ayana (Ethiopie) 30 min 16 s 32. 2. Tirunesh Dibaba (Ethiopie) 31 min 02 s 69. 3. Agnes Tirop (Kénya) 31 min 03 s 50.
100 m masculin : 1. Justin Gatlin (Etats-Unis) 9 s 92. 2. Christian Coleman (Etats-Unis) 9 s 94. . 3. Usain Bolt (Jamaïque) 9 s 95.