Luvo Manyonga à Rio l’an passé. | ADRIAN DENNIS / AFP

Bien sûr, cette première vraie journée de compétition (sans faire offense aux coureurs du 10 000 m hier et à Mo Farah) sera phagocytée par Usain Bolt. Bien sûr, le climax sera atteint à 22 h 45 au moment où le coup de starter retentira pour annoncer le dernier 100 m du Jamaïcain.

Mais nous vous supplions de faire une petite place (ou une plus grande) au concours de saut en longueur qui promet aussi d’être excitant, malgré la piteuse élimination vendredi en qualifications du champion olympique en titre, l’Américain Jeff Henderson. On a d’ailleurs choisi de vous présenter le Sud-Africain Luvo Manyonga et son parcours tourmenté. Certains lui attribuent le potentiel de battre un jour le record du monde de l’Américain Mike Powell. Rien de moins.

  • La story

S’il était américain, Luvo Manyonga aurait peut-être déjà son long-métrage en préparation à Hollywood. Il faudra peut-être que le vice-champion olympique sud-africain du saut en longueur patiente encore quelques années, pourquoi pas après avoir battu le record du monde de Mike Powell, pour que son incroyable parcours prenne vie sur grand écran.

Luvo Manyonga a grandi dans le township de Mbekweni, situé à Paarl, une ville de 100 000 habitants distante de 65 km du Cap. Père absent, il a connu la pauvreté et la violence. C’est un entraîneur local, son mentor aujourd’hui disparu, qui détecte son potentiel pour la longueur. Sa carrière est dans un premier temps très prometteuse, il devient champion du monde juniors en 2010 et prend la cinquième place des Mondiaux de Daegu en 2011.

Mais l’année suivante, sa vie bascule. L’athlète est suspendu dix-huit mois pour dopage à la suite d’un contrôle positif à un dérivé de la méthamphétamine. Luvo Manyonga avoue alors son addiction au tik, une drogue qui fait des ravages dans les townships sud-africains. Il mettra trois ans à s’en sortir, en suivant un programme de désintoxication, avant de pouvoir enfin reprendre l’entraînement.

Un an seulement après, il s’offre la plus belle des revanches en décrochant l’argent à Rio grâce à un saut à 8,37 m, à un petit centimètre de l’Américain Jeff Henderson. « J’ai touché la mort du doigt. Quand je me réveille le matin, je me demande où je me trouverais sans ceux qui ont cru en moi pendant mes années les plus sombres », confie-t-il après cette résurrection.

Stand the ghetto Bernard Lavilliers

Entraîneur de Kafétien Gomis, double médaillé européen à la longueur et finaliste à Rio, Renaud Longuèvre n’a pas vu venir cette éclosion : « Je l’ai vraiment découvert là-bas. Si deux mois avant on m’avait dit que ce mec allait passer tout près du titre, je ne l’aurais pas cru. En plus, derrière il a confirmé. Il a un saut qui ressemble à celui de Mike Powell, avec un très beau double ciseau… » Loin de se contenter de ce coup d’éclat, le Sud-Africain de 26 ans a, depuis, porté le record d’Afrique à 8,65 m lors des championnats de son pays en avril dernier. En juin, lors d’un meeting aux Pays-Bas, il réalise un concours impressionnant de régularité avec des sauts à 8,46 m, 8,40 m, 8,60 m et 8,62 m.

Ambitieux, alors qu’il n’a pas encore remporté de titre mondial ou olympique, Luvo Manyonga rêve d’être « le premier à sauter au-delà des 9 m. » Et ainsi d’effacer 8,95 m, le mythique record du monde de Mike Powell en finale des Mondiaux de Tokyo en 1991. Qu’en pense Randy Huntington, coach de Powell ? « Il a le potentiel pour. Le concrétisera-t-il, c’est très dur à dire. Il a besoin maintenant d’être encore plus rapide et de nettoyer ses techniques de vol et d’atterrissage. Pour atteindre les 9 m et plus, il faut que la technique soit proche de la perfection. »

Samedi, il faudra donc à tout prix essayer de décoller les yeux de la ligne droite du 100 m, où Usain Bolt fera ses adieux à la course reine. Car le bac à sable londonien méritera à coup sûr le détour.

  • Hors piste

Embouteillages au stade olympique, vendredi 4 août. | YB

Les files d’attente s’étendaient à perte de vue, vendredi. Des milliers de spectateurs sont venus plusieurs heures à l’avance, attendant l’ouverture des portes des différentes entrées de l’enceinte. Résultat : un stade plein à craquer et une ambiance électrique pour la seule finale de la soirée, celle du 10 000 m avec Mo Farah. Il faut bien l’admettre, cela change des ambiances parfois ternes de Moscou 2013 et Pékin 2015. Et le business tourne à plein : plus de 650 000 billets ont été vendus sur l’ensemble de la compétition, dont 250 000 pour le seul premier week-end, avec la finale d’Usain Bolt sur 100 m.

Business toujours, en plus des drapeaux de l’Union Jack vendus à partir de 3 livres, les écharpes à l’effigie d’Usain Bolt étaient parmi les accessoires les plus proposés.

YB

A la longueur, un Sud-Africain peut en cacher un autre. Derrière Luvo Manyonga, l’auteur de la deuxième performance mondiale de la saison avec 8,49 m s’appelle Ruswahl Samaai. Et il a aussi grandi dans l’un des quartiers pauvres de Paarl. Le jeune homme de 25 ans est mûr pour les conférences TED : « Ne mettez pas de limites à votre potentiel. Il y a des trésors cachés enfouis en vous. »

Usain Bolt a pris la première place de sa série hier en 10 s 07 mais il s’est surtout plaint des starting-blocks. Après sa course, et un très mauvais départ, il a déclaré : « C’était très mauvais, j’ai trébuché en sortant des blocks, je ne suis pas très fan de ceux utilisés ici. Je pense même que ce sont les pires que j’aie jamais connus. » Il faudra régler ce problème avant le début des demi-finales, qui commenceront à 20 h 05.

Le show Usain Bolt a déjà commencé à Londres. La star jamaïcaine s’apprête à phagocyter une nouvelle fois l’attention. En conférence de presse, on a appris ce que ses successeurs doivent faire pour lui faire plaisir et pour qu’il puisse se vanter auprès de ses futurs enfants (ça tombe bien, sa fiancée serait enceinte) : ne pas battre ses records de son vivant.

« Pour toujours le plus rapide », Usain Bolt et ses sponsors ont l’obsession légèrement clinquante.

  • En piste

20 h 05 : demi-finales du 100 m masculin

20 h 26 : finale du lancer du disque masculin

21 h 05 : finale du saut en longueur masculin

21 h 10 : finale du 10 000 m féminin

22 h 45 : finale du 100 m masculin