Controversé et un peu gênant : le manifeste antidiversité qui circulait à Google
Controversé et un peu gênant : le manifeste antidiversité qui circulait à Google
Ce texte, diffusé par un employé en interne, explique les disparités entre hommes et femmes au sein de l’entreprise par une origine biologique.
La culture d’entreprise de Google est plutôt progressiste, comme celle qu’affichent la plupart des géants de la Silicon Valley. | Brian Snyder / REUTERS
C’est un message qui a fait grand bruit dans les couloirs des bureaux de Google. Et même, comme c’est rarement le cas, à l’extérieur. La semaine dernière, un employé de Google a diffusé en interne, notamment par e-mail, un document d’une dizaine de pages dénonçant la politique de l’entreprise en matière de diversité.
Ce message, que le site spécialisé Gizmodo a pu se procurer et a publié dans son intégralité samedi 5 août, estime notamment que le manque de femmes au sein des ingénieurs de l’entreprise, et à des postes à responsabilité, ne relève pas du sexisme. Pour lui, ce sont les « différences biologiques » qui l’expliquent. Les femmes sont, assure-t-il, « plus ouvertes aux sentiments et à l’esthétique qu’aux idées. (…) Elles ont généralement un intérêt plus fort que les hommes pour les gens, plutôt que pour les objets. Ces différences expliquent en partie pourquoi les femmes préfèrent relativement les métiers des secteurs sociaux ou artistiques ». Contrairement aux hommes qui, selon lui, sont plus attirés par le code.
« Un biais de gauche »
L’homme, dont l’identité n’a pas été rendue publique, critique la façon dont Google tente d’être plus inclusif : « La discrimination visant à atteindre une représentation égale est injuste, clivante, et mauvaise pour les affaires. » Il reproche entre autres à l’entreprise d’organiser des formations réservées « à un genre ou une race », et de favoriser les candidats issus de la diversité.
Pour lui, Google a « un biais de gauche » sur les questions de la diversité et de l’inclusion, qui a « créé une monoculture politiquement correcte qui se perpétue en humiliant et en réduisant au silence ceux qui ne s’y conforment pas ». Il accuse la culture de l’entreprise de discriminer « les conservateurs », mais aussi les hommes :
« Nous avons des programmes issus des pouvoirs publics et de Google, des champs d’étude et des normes sociales pour protéger les femmes, mais quand un homme se plaint à propos d’une question de genre affectant les hommes, il est étiqueté comme misogyne et pleurnichard. »
L’auteur de se texte se défend de dire « que la diversité est mauvaise (…) et qu’on ne devrait pas tenter de corriger les biais existants ». Mais, poursuit-il, « nous avons une intolérance pour les idées et les preuves qui ne correspondent pas à une certaine idéologie. (…) Il faut traiter les gens comme des individus, pas seulement comme de simples membres d’un groupe ».
« Des affirmations incorrectes sur le genre »
Le texte a largement circulé dans les rangs de Google, et certains employés en ont même partagé des extraits sur les réseaux sociaux, pour mieux le dénoncer. Ce qui est assez rare : peu d’informations sortent des murs de Google, dont la politique de confidentialité est très ferme. Plusieurs employés ont aussi déploré, sur les réseaux sociaux ou dans les colonnes du site spécialisé Motherboard, que cette vision des choses avait trouvé des soutiens parmi d’autres salariés.
Ce message a été diffusé alors que Google fait l’objet d’une enquête du département américain du travail sur les différences de salaire entre les hommes et les femmes au sein de l’entreprise. En juin, les actionnaires d’Alphabet, la maison mère de Google, avaient rejeté une proposition d’étude internet à ce sujet.
La nouvelle vice-présidente de la diversité chez Google, tout juste arrivée dans l’entreprise, a envoyé un message aux employés, obtenu par Gizmodo. Elle regrette « des affirmations incorrectes sur le genre » et assure que « la diversité et l’inclusion sont indispensables pour la réussite de notre entreprise, et nous continuerons à les défendre ». « Changer une culture est difficile, et souvent inconfortable », poursuit-elle, insistant sur le fait que « les personnes ayant un point de vue différent (…) [doivent] se sentir à l’aise de partager leurs opinions ». Mais, souligne-t-elle, « ce discours doit être compatible avec les principes de l’égalité de l’emploi que l’on trouve dans notre code de conduite ».
Google n’est pas la seule à se débattre avec des problèmes de sexisme. Les entreprises de la Silicon Valley, majoritairement composée d’hommes blancs, sont souvent montrées du doigt pour le manque de diversité dans leurs rangs, les différences de statuts et de rémunération entre les hommes et les femmes, mais aussi de nombreuses affaires de harcèlement, qui ont notamment ressurgi ces dernières semaines.